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Fonds Marianne : qui est Christian Gravel, le préfet proche de Manuel Valls directement mis en cause ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Christian Gravel en février 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS VIA AFP)

Ayant passé deux ans et demi aux commandes du comité interministériel de prévention contre la délinquance, la radicalisation et les dérives sectaires (CIPDR), Christian Gravel se retrouve directement pointé du doigt dans la gestion du Fonds Marianne, constitué après l'assassinat de Samuel Paty pour contrer l'islam radical. Son domicile a été perquisitionné mardi 13 juin dans l'enquête ouverte par le Parquet financier. Un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) le met directement en cause.

>> Fonds Marianne : ce qu'il faut retenir du rapport accablant sur la subvention attribuée à l'association de Mohamed Sifaoui

Mi-mai, Christian Gravel avait été le premier auditionné par la Commission d'enquête du Sénat. Il avait renvoyé la responsabilité sur sa ministre, Marlène Schiappa, parlant d'une "commande politique". En particulier concernant l'association qui a eu la plus grosse subvention (plus de 350 000 euros), celle du journaliste Mohamed Sifaoui qui, d'après Christian Gravel, aurait bel et bien été incité à candidater alors qu'il y avait un appel d'offres public.

Mercredi, devant la même commission, Marlène Schiappa a démenti tout favoritisme : "Je n'ai à aucun moment demandé à ce que M. Sifaoui soit priorisé ou mis au-dessus de la pile. Je n'avais aucune raison de le faire et je ne l'ai pas fait."

Christian Gravel, lui, a démissionné du CIPDR qu'il pilotait depuis octobre 2020. S’il est bien préfet, il n'est pourtant pas passé par la voie classique. Des dents avaient grincé en 2015 lorsque Manuel Valls, alors Premier ministre, avait nommé cet ami et collaborateur de toujours, de l'époque mairie d'Evry, préfet hors cadre pour avoir servi à l'Elysée comme communicant du président Hollande. Ce qui se fait parfois pour un chef de cabinet, pas forcément pour un conseiller communication.

Pas de passage par l'ENA en tout cas pour ce descendant de samouraï - au sens premier du terme. A 49 ans, avec son look de grand-maître d'arts martiaux, crâne nu et barbe blanche, Christian Gravel arbore sept titres de champion de France de Viet vo dao, après des passages par le judo, le krav-maga, le MMA et plus récemment la boxe thaï. Une mère japonaise (côté samouraï, donc), un père résistant, un DEA de sociologie à Nanterre, un autre de sciences politiques à Assas : dans toutes les interviews, il répète deux choses : qu'il a la République chevillée au corps, et qu'il n'a pas peur de la confrontation, du combat.

D'Evry à l'Elysée

La lutte contre l'islamisme radical, il y arrive par Manuel Valls, personnage central de son parcours. Le hasard a voulu que Christian Gravel fasse son service national au service de presse de Matignon au début des années 2000. Lionel Jospin étant Premier ministre, avec Manuel Valls à la communication, qui l'embarque à Evry dès qu'il devient maire en 2001. Il en fait son directeur de cabinet, dans une ville confrontée à l'époque à la présence des salafistes et des burqas.

Le temps de faire la campagne de 2012 avec François Hollande, d'assurer sa communication au début à l’Elysée, de croiser la route d'Emmanuel Macron (qui est alors secrétaire général adjoint de l'Elysée) et de prendre ses distances avec la Hollandie à la suite de l'affaire Léonarda, Gravel rejoint à nouveau Manuel Valls à Matignon pour prendre la direction du SIG - le Service d'information du gouvernement. Il est à la manœuvre pour lancer le programme "Stop Djihadisme" pour recenser les jeunes Français attirés par l'Etat islamique en Syrie et en Irak. Ils lancent un numéro vert, un site internet, etc. D'après Le Figaro, à la suite de menaces de mort, Christian Gravel aurait même fait blinder les fenêtres à Matignon.

Cette expérience dans la lutte contre l’islamisme radical lui vaut en tout cas de rejoindre le ministère de l'Intérieur en 2020, aux commandes du Comité interministériel de prévention contre la délinquance, la radicalisation et les dérives sectaires (CIPDR). Même à ce poste, il ne se privait pas de répondre, sur les réseaux sociaux, à tous ceux, anonymes ou personnalités, qu'il jugeait trop complaisants à l'égard de l'islam radical. Selon plusieurs sources, ses relations avec Marlène Schiappa, rattachée à ce ministère, étaient difficiles depuis un certain temps. Cette affaire du Fonds Marianne n'aura sans doute rien arrangé.

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