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Procès de l'affaire Laporte-Altrad : qui est Mohed Altrad, milliardaire du bâtiment au destin hors du commun ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo - Bérengère Bonte
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président du Montpellier Hérault Rugby club, Mohed Altrad arrive au tribunal de Paris avant l'ouverture d'un procès pour "soupçon de corruption et d'influence" à Paris, le 7 septembre 2022. (AFP)

L'’intrus de l’actu du jour est Mohed Altrad, l’un de ses co-accusés au procès où comparait Bernard Laporte, le patron du rugby français. Un procès qui s’est ouvert à Paris mercredi 7 septembre. Un milliardaire du bâtiment qui a lui-même surgi comme un intrus dans le rugby à Montpellier jusqu’à devenir champion de France pour la première fois de l’histoire du club. Souvenez-vous, c’était le 24 juin 2022 :

Le bouclier de Brennus présenté aux supporters, 11 ans exactement après que Mohed Altrad soit devenu actionnaire majoritaire du club en lieu et place du groupe Nicolin grâce à un chèque de 2,4 millions d’euros. Le voir devenir président avait rendu fou Louis Nicolin, le maire qui avait lui-même mis un million quelques mois plus tôt.

En une décennie, Altrad, le discret, le grand patron à la voix aussi fluette que Nicolin ou Laporte sont grandes gueules, est devenu un homme clé du rugby français, jusqu’à comparaître pour soupçons de favoritisme et corruption active dans le procès qui s’est ouvert aujourd’hui. Il est soupçonné d’avoir acheté son ami le président de la Fédération, 180 000 euros pour des opérations de communication dont la justice n’a jamais trouvé trace. Cette même année 2017, Bernard Laporte attribue le sponsor maillot des Bleus à son groupe Altrad pour 1,7 million d’euros et confirme par un deuxième contrat de 35 millions d’euros en janvier 2018 dans lequel le Parquet national financier voit la marque d’une corruption.

Une "deuxième naissance" à Montpellier

Avant le rugby, le parcours de Mohed Altrad est en fait une succession d’intrusions (d’une certaine façon). Ça commence dès la naissance dont il ignore la date. Si vous regardez sa page Facebook, il est écrit qu'il est né en 1948 ou 1951. Ce qui veut dire qu’il a 71 ou 74 ans, il ne le sait pas comme beaucoup de bédouin. Sauf qu’en plus d’être né dans le désert syrien, il est le fruit d’un viol par un chef de tribu, d’une adolescente (sa mère) qui mourra très peu de temps après. Officiellement, il ne doit pas faire d’études mais il raconte dans l’un de ses livres avoir suivi les enseignements d’un instituteur, littéralement par le trou d’une serrure, jusqu’à obtenir un baccalauréat. Grâce à une bourse du gouvernement syrien, il débarque à Montpellier en 1970. Il en parle comme de sa deuxième naissance, ça se termine avec un doctorat d’informatique.

Altrad construit un véritable empire avec quasiment pas un sou au départ. Après quelques jobs, il rachète une boite d’échafaudage. Vous allez me dire "ça ne sent pas la success story". Il venait de l’informatique, n’avait pas d’expérience de management mais son intuition lui a fait penser que, n’importe où, pour changer une ampoule dans un aéroport par exemple, il faut un échafaudage. Il a redressé la boite, a investi dans plusieurs autres jusqu’à fonder ce groupe qui emploie aujourd’hui 52 000 personnes avec 170 filiales et s’incruster (encore une fois) parmi les 30 plus grosses fortunes de France.

Une ambition politique

Il est donc milliardaire et on se dit mais que vient-il faire dans le rugby, surtout à Montpellier. La cité héraultaise est plutôt une ville de foot. Montpellier ce n’est pas Castres. Le MHR n’est pas l’OM. Il n’y pas de religion de rugby. Est-ce encore une de ses intuitions ? Sans doute aussi, une ambition politique qui l’amène d’ailleurs à se présenter aux municipales de 2020.

Je vous parlais de sa voix fluette, il faut l’entendre dans son clip de campagne pour le deuxième tour retraçant inlassablement l’histoire de l’orphelin syrien.

Pas vraiment tribun dans l’âme, il termine troisième avec 18,2% des voix à la tête d’un attelage de 2nd tour un peu improbable pour le candidat apolitique qu’il prétend être aux côtés de l’humoriste Rémi Gaillard, de la tête de liste LFI et d’une écologiste dissidente. S’il n’est pas un tribun, Mohed Altrad reste un négociateur hors pair. Qui sera même parvenu à convaincre les All blacks de Nouvelle Zélande de porter, comme les Bleus, le logo montpelliérain d’Altrad sur leur maillot.

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