Réforme des retraites : qui est Jean Massiet, le streamer qui a diffusé en direct et commenté sur Twitch l’interview du président Macron ?
Pour Jean Massiet, ce n’est pas une première. Régulièrement, le streamer commente les questions d’actualité au gouvernement à l’assemblé. Lundi, avec les motions de censure contre le gouvernement Borne, à 18 heures, sa chaine était la plus suivie au monde sur Twitch. Certes, il s'agit de 58 000 spectateurs, pas des millions, mais quand même.
Rappelons qu’on est sur une plateforme où le public souvent jeune vient avant tout pour du contenu sur les jeux vidéo. Jean Massiet est tout seul devant sa caméra et son micro, dans un studio qui fait un peu chambre d’ado. Et forcément le ton est adapté au public : "On va suivre ensemble l'interview événement du président de la République à l'occasion du JT de 13 heures sur TF1 et France 2. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, TF1 et France 2 ce sont des sites internet sur lesquels vous retrouvez toute une programmation de vidéos. Et ils ont aussi un autre canal de diffusion qu'on appelait la télévision à l'époque."
Un traitement pédagogique de l'info
Il a beaucoup communiqué ces dernières heures en disant qu’il avait demandé, obtenu et acheté les droits de ce "13 heures" de TF1 et France 2. Il m'explique qu’il a payé environ 1500 euros. C’est dix fois moins qu’une chaine privée tout info. En tout cas, il a acquis une place très particulière auprès d’un public qui n’irait pas suivre la politique autrement. Ils lui posent toutes sortes de questions qu’il lit à l’antenne avant d’y répondre de façon très pédagogique : "Est ce que ça arrive souvent que le Conseil national refuse une loi? Ça arrive effectivement que le Conseil constitutionnel censure, comme on dit en droit. Parfois c'est un article, deux articles, pas tout un texte. Donc il faut repasser par la case parlement pour réécrire mieux la loi."
On l’aura compris, Jean Massiet n’est pas seulement un amateur de jeux vidéo. Juriste de formation, il se décrit comme "enfant de bourgeois qui a reçu une éducation catholique traditionnelle". Jean Massiet du Biest (nom à particule à l’origine, qu’il a raccourci) a 34 ans. Il est né à Paris. Passionné d’actualité depuis toujours, dans son lycée, à Courbevoie, il était responsable du journal et il s’est beaucoup occupé d’associations d’étudiants. Après son master Affaires Publiques - Administration du politique à la Sorbonne, il travaille dans différents cabinets politiques, à la mairie de Paris, au conseil général de seine saint Denis et au ministère de la santé avec Marisol Touraine de 2014 à 2015. Mais il en a assez de voir la jeunesse se détourner et même critiquer la politique. Et comme il est beaucoup en ligne, pour des jeux vidéo, il a l’idée de faire d’en profiter pour faire de la pédagogie sur l’actualité politique.
Des émissions de trois à cinq heures
Désormais il gagne sa vie avec ça. Au bout de sept ans, il assure désormais une émission par jour. Comme souvent sur internet, cela passe par du financement participatif. Il est sur uTip avec des collectes qui peuvent atteindre 200 000 euros. Il a aussi le soutien financier de certaines institutions, le Sénat, l'Assemblée, la cour des comptes pour certains programmes. Tout cela lui permet d’avoir à temps plein une équipe de trois personnes (administratif, comptabilité, relation presse, montage et community manager). Son émission hebdomadaire, "Backseat", elle, fait aujourd’hui travailler 20 personnes. C’est un demi-million de budget par an.
Jean Massiet est passé par des cabinets de gauche, il s’assume de gauche. Mais à l’antenne, la clé de son succès vient sans doute de la neutralité qu’il s’efforce de conserver le plus possible. Droite ou gauche, tout le monde en prend pour son grade. Sa neutralité va de pair avec la grande liberté dont il se réjouit, sans média traditionnel et donc sans grille à suivre puisqu’il peut faire durer ses émissions trois, quatre, ou cinq heures s’il le veut. Ces derniers jours, il a en tout cas été frappé de voir, pour la première fois, un certain nombre d’influenceurs prendre position dans ce débat des retraites. Léna Situations, influenceuse spécialiste dans la mode, 4 millions d’abonnés sur instagram. Le vidéaste Seb La Frite, qui revendique 5,2 millions d'abonnés a envoyé un message de soutien aux grévistes sur Twitter. "Il est vrai que les influenceurs sont plutôt connus pour pas trop se mouiller et éviter toujours d'aborder ce genre de sujets, expose Jean Massiet. Et là, c'est vrai qu'on a un phénomène depuis une semaine et le 49.3, d'influenceurs qui prennent la parole pour faire part de leurs opinions politiques, généralement assez critiques envers le gouvernement."
"C'est un phénomène qui est assez nouveau et qui, pour moi, est davantage le symbole de la mobilisation de leurs abonnés qui rejettent cette réforme et cette méthode du 49.3, et donc des influenceurs qui vont finir par s'exprimer en rejoignant un mouvement qui est en train de devenir quasi consensuel en fait car tout le monde est contre la réforme des retraites. Donc les influenceurs ne se mouillent pas trop en disant qu'eux aussi sont contre la réforme des retraites."
Jean Massiet
Jeudi pour la nouvelle journée de mobilisation, Jean Massiet a en tout cas prévu un nouveau coup. Il reçoit Laurent Berger, le patron de la CFDT.
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