Comment le climat bascule : la leçon du petit âge glaciaire
Des coquillages recueillis au large d’Islande permettent de reconstituer l’arrivée du petit âge glaciaire, à la fin du Moyen-Âge. Et de mieux comprendre la dynamique des grandes bascules climatiques.
L’étude de petits coquillages permet d’en savoir plus sur les grandes bascules du climat dans l’histoire de la Terre, à l’heure du réchauffement climatique. Le réchauffement va-t-il déstabiliser les grands équilibres de la Terre ? Le grand courant de l’Atlantique Nord, le Gulf Stream, peut-il s’arrêter ? La banquise au Groenland et la calotte en Antarctique peuvent-elles se mettre à fondre irrésistiblement ? L’Amazonie peut-elle se mettre à s’assécher ? Et les terres gelées de Sibérie peuvent-elles entrer dans une phase de dégel ?
Ces grands systèmes risquent-ils de basculer vers un autre état d’équilibre, sans doute moins désirables pour nous, les humains ? Les précisions d’Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon.
franceinfo : Y a-t-il des signes avant-coureurs de ces bascules climatiques ? A quelle vitesse elles s’opèrent ? Où est le point de non-retour ? En sommes-nous loin ?
Hervé Poirier : Ces grandes questions un peu stressantes sont aujourd’hui très élégamment éclairées par de petits coquillages ramassés au large de l’Islande. Ces coquillages nous racontent la dynamique du dernier grand bouleversement climatique qu’a connu la Terre : le petit âge glaciaire, qui a commencé à la fin du Moyen-Âge, et s’est prolongé jusqu’au XIXe siècle – durant cette période, la température a baissé en particulier dans l’hémisphère Nord.
Quelles étaient les causes ?
Volcanisme, baisse de l’intensité du Soleil, les causes sont complexes et toujours débattues. Mais les experts s’accordent pour dire que tout se serait joué autour des banquises Groenland : elles auraient commencé à s’étendre, auraient bloqué la circulation des courants autour de l’Islande, ce qui aurait amplifié son extension, jusqu’à faire basculer le climat.
C’est cette dynamique que nous racontent en détail les petits bivalves conservés dans les sédiments : l’analyse de leur constitution permet de connaître avec précision leur âge, ainsi que la température, la salinité et même le sens des courants dans lesquelles elles se sont développées. Cette analyse révèle l’existence de deux événements clés, bien antérieurs à la bascule : à partir de 1180, et à partir de 1330, le courant qui circule autour de l’Islande a connu deux très forts ralentissements. Et ces deux épisodes ont fragilisé le système. Il est devenu beaucoup moins résilient, beaucoup moins apte à résister aux chocs.
La troisième crise lui a alors été fatale : vers 1380, le courant s’est arrêté, les glaces ont envahi la mer, et le climat mondial a brutalement basculé. Cela démontre que les grands systèmes ne basculent pas du jour au lendemain. Ils se fragilisent, lentement, discrètement, jusqu’à ne plus être capable de résister à un choc. Et là, c’est irrémédiable : un petit rien suffit à faire basculer le système. Telle est la leçon des petits bivalves islandais : les grandes bascules, de l’Amazonie à l’Antarctique, se jouent sur des décennies, voire des siècles, avant qu’elles n’arrivent.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.