La faune aquatique menacée par le trafic de drogue
Le billet science, avec Vincent Nouyrigat, rédacteur en chef du magazine Epsiloon. Des biologistes viennent de détecter du Fentanyl dans le corps de dauphins du Golfe du Mexique.
franceinfo : Cela pourrait-il avoir une influence sur le comportement de ces animaux, voire la stabilité des écosystèmes ?
Vincent Nouyrigat : Le Fentanyl, ce redoutable opioïde de synthèse, 30 à 50 fois plus puissant que l’héroïne, est à l’origine d’une crise sanitaire considérable aux Etats-Unis. Mais, visiblement, il n’y a pas que les humains qui sont touchés : cette drogue finit dans les eaux usées, puis dans la mer, puis dans les organismes marins. Sur 89 dauphins, vivants ou morts, étudiés dans le Golfe du Mexique, 30 affichaient dans leur graisse des taux importants de Fentanyl.
Et je ne vous parle même pas de toutes les autres molécules pharmaceutiques, rejetées dans les eaux côtières, lacs ou rivières, et qui posent problème depuis longtemps : antidépresseurs, contraceptifs, antibiotiques. Non, là on parle de substances illicites particulièrement puissantes.
Et ce n’est pas un cas isolé ?
En effet, l’été dernier, des chercheurs ont prélevé 13 petits requins aiguille dans la baie de Rio de Janeiro, et ils ont constaté que tous affichaient des taux considérables de cocaïne dans leurs muscles et dans leur foie ; des niveaux aussi énormes peuvent s’expliquer aussi par la présence de laboratoires clandestins dans la région, ou de cargaisons perdues en mer par les trafiquants.
Une autre étude brésilienne récente a relevé également de fortes de concentrations de cocaïne dans les moules et les huîtres de la baie de Santos.
Est-ce qu’il faut s’inquiéter ?
Disons que les quelques rares études menées en laboratoire jusque-là ne sont pas très rassurantes : le système reproducteur des anguilles et des moules semble fortement perturbé par la cocaïne, drogue qui a montré un impact délétère, aussi, sur les embryons de poisson zèbre.
Le comportement des animaux pourrait aussi changer : des chercheurs de l’université de Naples ont montré que les anguilles devenaient hyperactives sous l’effet de la cocaïne, ce qui est un vrai problème pour leur survie – on peut se demander, au passage, si les requins drogués ne pourraient pas devenir plus agressifs.
Autre effet néfaste découvert par les biologistes : des truites exposées à des niveaux de méthamphétamine, comparables à ceux que l’on retrouve dans les fleuves européens, se déplacent moins – ce qui est un vrai problème pour leur migration – et montrent aussi des signes d’addiction ! Bref, la drogue c’est mal, même pour les écosystèmes.
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