La sensibilité des homards est en train d’être reconnue
Les céphalopodes (les poulpes, les calmars, les pieuvres) et les crustacés (du homard à la crevette, en passant par l’écrevisse), tous ces animaux invertébrés sont-ils capables d’éprouver de la douleur ou du stress ? Un rapport de 300 publications scientifiques répond par l'affirmative.
Le billet science du weekend avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon se penche aujourd'hui sur la souffrance des homards, des crabes, des écrevisses et autres crustacés quand on les jette dans l'eau bouillante par exemple...
franceinfo : La Grande-Bretagne est en train de reconnaître la sensibilité de ces animaux invertébrés ?
Mathilde Fontez : C’est une décision qui a été prise le 19 novembre dernier par le département de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales britannique : le projet de loi sur le bien-être animal, en cours de réflexion, va s’élargir pour tenir compte de ces animaux. Jusque-là, il ne concernait que les vertébrés.
Qu’est-ce qui a déclenché ça ?
Un rapport de la London School of Economics, qui a été transmis au gouvernement. Ce rapport est assez colossal. Il cumule 300 publications scientifiques pour étudier la question suivante : les céphalopodes (les poulpes, les calmars, les pieuvres…) et les crustacés (du homard à la crevette, en passant par l’écrevisse)… tous ces animaux invertébrés sont-ils capables d’éprouver de la douleur ou du stress ?
Et la réponse est oui…
Un oui catégorique. Il y a de nombreuses preuves. Ces animaux ont des nocicepteurs : des capteurs de douleur, comme ceux que l’on a dans notre peau. Ils ont des zones cérébrales capables de traiter ces informations nerveuses. Ils réagissent aux analgésiques et aux anesthésiants, ce qui veut bien dire qu’ils sentent la douleur.
Ils mettent en œuvre des tactiques pour se protéger d’une douleur. Bref, ils sont sensibles. Les preuves sont plus solides chez le poulpe, que l’on sait depuis longtemps très intelligent, que chez la crevette par exemple.
Mais les chercheurs qui ont rassemblé ces études préconisent de ne pas faire de différence. Parce que ce qu’ils disent, en fait, c’est que le niveau de sensibilité de ces animaux dépend en grande partie du nombre d’études scientifiques qui lui ont été consacrées. En gros, il suffit de chercher la sensibilité de ces animaux, pour la trouver !
Il faut donc arrêter de plonger les homards vivants dans l’eau bouillante ?
C’est ça. Les Britanniques vont devoir changer leurs habitudes. C’est bien la conclusion vers laquelle se dirige leur gouvernement : une liste de bonnes pratiques pour éviter la souffrance des homards et des autres invertébrés.
Donc oui, arrêter de les ébouillanter, ou de les démembrer vivants. Les scientifiques préconisent même de déconseiller la vente de ces animaux vivants, pour éviter toute dérive. La Grande-Bretagne n’est pas le premier pays à agir en ce sens. En Suisse, il est déjà interdit, depuis 2018, de cuisiner les homards sans les avoir assommés avant.
Et en France ?
Il n’y a pas de règle. La question a été posée à l’assemblée en 2018, inspirée par l’exemple Suisse, sans donner lieu à une proposition de loi. Mais il n’est pas exclu que le débat réémerge...
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