Le billet sciences du week-end. Ils veulent faire revivre le mammouth !
Un généticien américain, George Church, veut ressusciter le pachyderme préhistorique en modifiant l'ADN d'un animal proche du mammouth, l'éléphant d'Asie. Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique "Epsiloon", revient sur ce projet fou d'un scientifique fasciné par la génétique.
On retrouve comme chaque week-end Mathilde Fontez, rédactrice en chef d’Epsiloon, le nouveau magazine scientifique, partenaire du Billet sciences du weekend sur franceinfo, pour évoquer le projet contesté et mégalo d'un généticien américain, George Church, qui avait déjà défrayé la chronique en 2013 en disant qu'il pensait à la possibilité de ressusciter Néandertal.
franceinfo : Aujourd’hui, Mathilde Montez, vous nous parlez de ce généticien américain qui a annoncé que d’ici 6 ans, il fera revivre… le mammouth !
Un projet fou, oui. Mais qui est poursuivi par un chercheur reconnu – et connu pour n’avoir peur de rien – George Church, de l’université Harvard, dans le Massachusetts. Il vient de lever 15 millions de dollars et de créer une entreprise pour le réaliser.
Alors, il ne s’agit pas de cloner des mammouths à partir de cellules récupérées dans les restes que l’on a trouvés dans la glace, comme les dinosaures dans Jurassic Parc. Non. Mais il s’agit de modifier l’ADN de l’animal le plus proche du mammouth existant aujourd’hui, à savoir l’éléphant d’Asie, pour y insérer les séquences d’ADN caractéristiques de l’espèce éteinte.
Et on connaît ces particularités génétiques du mammouth ?
George Church et son équipe les ont étudiées : ils ont trouvé une soixantaine de séquences qui différencieraient le mammouth de l’éléphant d’Asie : les séquences responsables de ses longs poils ; de ses énormes stocks de graisse ; de ses oreilles plus petites, et donc plus résistantes au froid…
Et la technique pour insérer ces séquences dans l’ADN d’une cellule d’éléphant existe : c’est ce que l’on surnomme le "ciseau moléculaire", CrisprCas9, qui permet de couper l’ADN à un endroit déterminé, pour remplacer ou modifier un gène.
Donc c’est faisable ?
Comme toujours, ce n’est pas si simple de passer de la théorie à la pratique, surtout en biologie. D’abord parce qu’on n’a sans doute pas isolé tous les gènes responsables de la différence entre un mammouth et un éléphant. Pas sûr que ces 60 séquences suffisent. Et surtout parce que les généticiens savent aujourd’hui qu’il n’y a pas que les gènes qui font une identité organique.
On sait que leur expression, aussi, compte beaucoup. Elle dépend de l’environnement, mais aussi de comment l’ADN se replie. La plupart des spécialistes préviennent que si Church réussit, l’animal qui sera issu de la manipulation ne sera pas vraiment un mammouth. Ni un éléphant. Ce sera un animal hybride, totalement nouveau. Peut-être tout bêtement un éléphant particulièrement gras et poilu…
Quel est le but de ces recherches ?
C’est surtout un rêve en fait, qui est porté par la fascination de ces animaux mythiques. Alors, Church évoque des arguments concrets : adapter les populations d’éléphants d’Asie aux changements climatiques, étendre leur territoire. Ou même restaurer les prairies de l’Arctique. Les mammouths, selon certaines études, avaient un impact positif sur leur écosystème : ils fertilisaient les sols, abattaient les arbres, et participaient à l’entretien de la toundra…
Mais ces arguments ne sont pas vraiment pris au sérieux. Sans compter que réintroduire de véritables populations de mammouths, ou pseudo-mammouths, pose un tas de question. On sait bien que toute modification d’un écosystème a des conséquences difficiles à prévoir. Church, en fait, poursuit son rêve d’enfant : voir un mammouth en vrai !
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.