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Le casse-tête de la seconde intercalaire

C’est l’histoire d’un casse-tête kafkaïen qui est en train d’être enfin tranché : à Versailles, en ce moment-même, est en train de se dérouler une conférence qui va très probablement décider de la fin de la 'seconde intercalaire'. Une seconde qui, depuis les années 70, est parfois ajoutée par les institutions chargées de définir le Temps Universel Commun, afin de caler notre horloge sur le cycle du soleil.

Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La 27e conférence générale des poids et mesures, avec à l’ordre du jour la réforme de l’UTC, le temps universel coordonné, se tient aujourd'hui à Versailles. Une conférence qui pourrait décider de la fin de la 'seconde intercalaire'. (Illustration) (MAXPPP)

Hervé Poirier, rédacteur en chef du magazine scientifique Epsiloon évoque aujourd'hui une conférence qui se déroule aujourd'hui même, à Versailles, sur la fin de la seconde intercalaire...

franceinfo : C'est une décision dites-vous, dont l’enjeu est planétaire : la fin de la 'seconde intercalaire'. De quoi s'agit-il ?  

Hervé Poirier : Cela ne fait pas la Une des journaux, mais à Versailles, cette semaine, se réunit la 27e conférence générale des poids et mesures, avec à l’ordre du jour la réforme de l’UTC, le temps universel coordonné, celui qui s’affiche dans ce studio. Cette heure de référence mondiale est calculée à partir des vibrations du césium-133 de 400 horloges atomiques réparties dans le monde. Sauf que ce temps commun doit aussi tenir compte du rythme naturel imposé par la rotation de la Terre, qui a tendance à un peu ralentir sous l’effet de l’attraction lunaire.

Depuis une résolution votée en 1971, il faut un écart inférieur à 0,9 seconde entre ces temps atomique et astronomique – la navigation avec les étoiles était encore en vigueur à l’époque. Et lorsque cet écart menace d’être dépassé, il faut ajouter une seconde à l’UTC.  L’opération se déroule traditionnellement lors de la dernière minute du mois de juin ou de décembre : l’heure passe alors de 23h 59min 59s à un très saugrenu 23h 59min 60s, avant de basculer à minuit. Depuis 1971, il y a eu vingt-sept minutes qui ont duré 61 secondes, la dernière en 2016. C’est cette seconde intercalaire qui est aujourd’hui remise en cause.  

Pourquoi ?

Bon, la navigation se fait maintenant par satellite. Et il y a surtout une fébrilité de plus en plus grande chez les informaticiens des télécommunications, des réseaux sociaux, de la finance, de l’énergie, des transports, qui doivent se débrouiller chacun de leur côté pour intégrer cette seconde intercalaire. Tous gardent en mémoire les incidents de cette dernière décennie sur Twitter, Android, Mozilla, Linkedin, ou encore le système de réservation de la compagnie aérienne Qantas. 

Certains experts nous ont confié ne pas prendre l’avion ce jour-là. Le pire, c’est que pour des raisons assez obscures, la Terre a plutôt tendance dernièrement à accélérer sa rotation, et il s’agirait donc de supprimer une seconde à l’UTC, un scénario qui n’a jamais été pratiqué, ni testé, ni même vraiment envisagé.   

La décision est prise ?

Les dernières discussions ont eu lieu hier. Mais ce n’est pas si simple. Cela fait 20 ans que le débat est sur le tapis. Ce n’est faisable que si tous les pays sont d’accord. Les Anglais restent très attachés à leur heure du méridien de Greenwich. Avant la guerre d’Ukraine, les Russes avaient prévenu qu’il leur faudrait du temps pour adapter leur système.

Et il faudra de toute façon attendre 2026 pour que la réforme soit entérinée. Bref, on n’est pas sorti de ce casse-tête kafkaïen. 

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