Le zoo des nouvelles quasi-particules
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous parle aujourd'hui de drôles d’objets que les physiciens font apparaître dans leurs matériaux : des "quasi-particules".
franceinfo : Ces derniers mois, les découvertes se succèdent sur ces nouvelles quasi-particules. Expliquez-nous ?
Hervé Poirier : Vous connaissez le phonoriton ? Une équipe germano-argentine a réussi à générer pour la première fois cette incroyable chimère, un objet qui est à mi-chemin entre de la lumière et du son. Et l’anyon ? Après des décennies de recherche, les physiciens réussissent maintenant à observer ce drôle de zèbre, qui se comporte à la fois comme de la matière et comme une force, une interaction – chose pourtant strictement interdite par le très officiel 'Modèle standard des particules'.
Et le fracton ? Ses propriétés sont déroutantes : il reste immobile, même lorsqu’on le secoue avec de l’énergie. Sans parler des travaux sur le ferron, capable de jouer avec sa propre chaleur, sur le wrinklon, le magnon, le pi-ton…
D'où viennent tous ces nouveaux objets quantiques ?
Bon, il faut le reconnaître, ils sont un peu difficiles à visualiser. Ils se cachent la plupart du temps dans des solides soumis à des conditions extrêmes ou très singulières, où règnent la mécanique quantique et ses étranges lois, qui régissent le monde microscopique.
Ces créatures émergent d’interactions complexes entre un grand nombre de particules élémentaires, qui se comportent collectivement comme une grosse particule unique, aux propriétés inédites, une "quasi-particule". Un peu comme le comportement coordonné de multiples gouttes d’eau fait apparaître une vague sur la mer, laquelle devient alors un objet physique à part entière, régi par ses propres lois.
Cela fait plus de 70 ans que de telles créatures sont étudiées – à l’instar du phonon, la quasi-particule du son. Mais à la lumière de puissantes simulations numériques et d’expériences quantiques de haute précision, le zoo, aujourd’hui, ne cesse de s’agrandir.
Et pourquoi une telle passion de la part des physiciens ?
Pour les théoriciens, c’est un terrain de jeu fantastique : ils y voient le moyen d’étudier des phénomènes nouveaux, qui transgressent les lois traditionnelles de la matière. Les ingénieurs, eux, sont très excités par l’idée d’exploiter ces propriétés lumineuses, magnétiques ou thermiques pour doper leurs technologies.
Faire apparaître et étudier ces nouveaux objets qui ne ressemblent à rien de connu, qui sont presque inimaginables, mais qui existent bel et bien, c’est agrandir le monde. Et pour un physicien, c’est irrésistible.
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