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Les cyclones enfouissent la chaleur dans les océans

Ce n’est pas franchement une bonne nouvelle : des chercheurs trouvent que les ouragans ne se contentent pas de brasser l’eau à la surface, mais ils poussent la chaleur profondément dans l'océan, d'une manière qui peut l'enfermer pendant des années, et finalement affecter des régions éloignées de la tempête.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
12 septembre 2018. Vue de l'espace de l'ouragan Florence au-dessus de l'océan Atlantique. (Illustration) (STOCKTREK IMAGES / GETTY IMAGES)

Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsilon, nous parle des cyclones aujourd'hui. Des chercheurs découvrent qu’ils enfouissent la chaleur dans les océans.

franceinfo : Des océanologues ont étudié les effets des cyclones : non pas leurs effets dévastateurs sur la Terre, mais sur les océans ? 

Mathilde Fontez : Oui, c’est un autre aspect des cyclones que découvre cette équipe de l’université de Californie : non pas comment le climat, la chaleur de l’océan façonnent ces tempêtes – il est aujourd’hui bien établi que le réchauffement climatique augmente leur intensité et leur puissance. Mais comment, à l’inverse, les cyclones modifient la répartition de la chaleur dans les océans – une donnée sensible pour le réchauffement, on mesure en ce moment, dans l’Atlantique Nord, une canicule marine d’une ampleur inédite.

Et ce que trouvent les chercheurs, c’est que les cyclones ont bel et bien un effet sur la chaleur stockée par les mers. Ils brassent beaucoup plus les masses d’eau qu’on pouvait l’attendre. Jusqu’à piéger la chaleur en profondeur.

Les cyclones réchauffent l’océan ?

C’est un mécanisme en plusieurs étapes : ces tempêtes commencent par refroidir la surface de l’océan, en prélevant de la chaleur dans une couche d’une cinquantaine de mètres – c’est cette énergie qui donne leur puissance. Mais en parallèle, les vents du cyclone créent des turbulences, des ondes qui mélangent en profondeur les masses d’eau, et réchauffent les couches d’en dessous.

Les chercheurs font le parallèle avec une vinaigrette : normalement, les eaux chaudes et froides s’empilent sans se mélanger, le cyclone secoue tout ça. Ce qui fait que juste après le passage du cyclone, la surface de l’océan plus froide se réchauffe au soleil – la capacité d’absorption de l’océan augmente en surface. Mais en dessous, la couche chauffée par le cyclone plonge, jusqu’à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres, et elle reste bloquée là. Le cyclone réchauffe l’océan, en profondeur.

Cette eau chaude reste bloquée alors en profondeur ?

Tout dépend de la dynamique des courants. La chaleur des cyclones peut rester bloquée des décennies en profondeur – alors elle aurait tendance à lisser les effets du réchauffement de l’air, et quelque part à les amoindrir. Mais elle peut aussi modifier la circulation des courants, sur des milliers de kilomètres, des mois après le passage du cyclone.

Les observations des chercheurs dans la mer des Philippines – ils ont mesuré en particulier trois typhons avec des capteurs qui plongent à 300 mètres de profondeur – ces observations montrent que la couche chaude profonde peut se mettre à circuler, et remonter des milliers de kilomètres plus loin, où elle accentuerait localement le réchauffement. Elle pourrait participer au stress des récifs, au blanchiment des coraux. Un nouvel effet retors du réchauffement, dont il faudra à l’avenir tenir compte.

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