Les éléphants aussi se sont auto-domestiqués
Les humains et les bonobos étaient jusqu’ici les seules espèces à avoir évolué. Pour vivre gentiment ensemble, elles se sont auto-domestiquées. Les éléphants seraient la troisième espèce de ce type. Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine Epsiloon, revient sur cette évolution.
franceinfo : Vous nous dites que les éléphants seraient l’une des premières espèces à s’être auto-domestiquée ?
Hervé Poirier : L’histoire est fascinante. Cela fait longtemps que les biologistes étudient les effets de la domestication. Prenez le loup. Depuis des milliers d’années, les humains ont sélectionné, à chaque génération, les individus les plus sociables, les moins impulsifs. Et les biologistes ont montré que la sélection de ce caractère, et des gènes associés, a eu des impacts évolutifs beaucoup plus larges.
Les loups sont ainsi devenus de gentils toutous, avec des cerveaux plus petits, un visage plus enfantin, un pelage plus tacheté, une queue qui rebrousse, une enfance prolongée, un comportement plus joueur, un langage plus développé. Idem pour les porcs, les moutons, les vaches : c’est le syndrome de la domestication.
Or, si on regarde notre morphologie, notre comportement, et surtout nos gènes, il semble que les humains, eux aussi sont frappés du syndrome. Qui nous a domestiqués ? Nous-mêmes ! Nous nous serions auto-domestiqués, en favorisant la reproduction des individus les plus dociles, les plus gentils, les plus civilisés.
Gentil ? L’humain ?
Mettez 200 chimpanzés dans un avion, et vous verrez. Le chimpanzé ne s’est pas auto-domestiqué – ses gènes le démontrent, son taux d’infanticide aussi. Jusqu’ici, à part l’humain, le syndrome n’a été repéré que chez le singe bonobo – et il y a débat chez le ouistiti.
Or, coup de tonnerre, une équipe de biologistes vient de montrer que c’est probablement aussi vrai, pour les trois espèces vivantes d’éléphants, qui vivent en Afrique et en Asie : leur physiologie, leur comportement, et surtout leurs gènes, présentent le syndrome. Il doit donc en être de même pour leur ancêtre commun, il y a plus de 7 millions d’années. Qui serait alors la plus vieille espèce connue, à s’être auto-domestiquée, à s’être civilisée. À l’époque, les chimpanzés le prouvent, ce n’était pas le cas pour nos aïeuls…
L’auto-domestication ne serait donc pas propre aux primates ?
Le phénomène est sans doute plus général que ce que l’on pensait. Les chercheurs invitent maintenant à regarder du côté des dauphins, des baleines, des perroquets. Et si, dans de nombreuses branches du vivant, la sélection s’opérait aussi sur la propension à vivre ensemble, de façon paisible, à développer une société apaisée, une culture, un langage ? Et si la gentillesse était un des grands ressorts de l’évolution ? C’est la belle question que nous pose aujourd’hui l’éléphant.
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