Notre plus ancien cousin n’est finalement pas l’éponge…
Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, remonte le temps aujourd'hui de quasiment un milliard d’années, avec une découverte scientifique qui raconte une autre histoire de notre évolution.
franceinfo : Une équipe de chercheurs vient de découvrir le premier animal qui s’est séparé de notre branche, dans l’arbre de la vie ?
Mathilde Fontez : Oui, les chercheurs ont un nom pour cette espèce, ils l’appellent la "sœur de tous les animaux". On peut dire aussi que c’est notre premier cousin – comme le chimpanzé est l’un de nos derniers cousins. Il s’agit d’une séparation dans l’arbre de la vie, qui est très étudiée, parce qu’elle a marqué une fracture, très tôt, dans l’évolution.
Il y a 800 millions d’années, lorsque les organismes à plusieurs cellules sont apparus, ils se sont séparés : d’un côté, ont évolué tous les animaux, dont nous. Et de l’autre, des animaux très différents, comme les éponges. Et justement, jusque-là, on pensait que c’était un ancêtre de l’éponge qui avait marqué cette séparation. Qu’elle formait la plus ancienne lignée.
Mais aujourd’hui, une équipe internationale, menée par Darrin Schultz, de l’université de Vienne montre que non, ce n’est pas l’éponge ! Ce premier cousin, c’est un animal qui s’appelle cténophore : ça ressemble un peu à une méduse gélatineuse, ils ont de fins tentacules, qu’on appelle peignes, avec lesquels ils se déplacent.
Comment les chercheurs ont-ils pu découvrir cela ? Remonter le temps à ce point ?
Par des études génétiques. Il y avait déjà des indices depuis une dizaine d’années. Ces cténophores avaient montré une génétique plus éloignée encore, que celle des éponges des autres animaux. Cela avait semé le doute. Mais biologiquement, c’était vraiment difficile à croire : les éponges sont des candidates idéales comme espèce ultra-primitive, parce que ce sont des organismes très simples : elles n’ont pas de cellules musculaires, elles n’ont pas de cellules nerveuses.
Tandis que les cténophores, rien à voir : ce sont des prédateurs, des animaux plutôt complexes. Il était logique de penser qu’ils avaient évolué après. Ce qui fait la différence aujourd’hui, c’est une nouvelle approche génétique : une étude plus globale des gènes, leur répartition sur les chromosomes. Tout cela tend à prouver que les cténophores ont été les premiers à se séparer de la lignée principale.
Ça en fait la plus ancienne lignée animale ?
Oui ! Et ça réécrit l’arbre de la vie. Pour que ces cténophores soient si anciens, il faut par exemple que les cellules neuronales, se soient formées plus tôt : 100 millions d’années plus tôt qu’on ne le pensait, d’après les chercheurs. Cette première séparation raconte une autre histoire de notre propre évolution.
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