Quand les arbres fusionnent avec les lianes

Il y a des millions d'années, au sein de la forêt de La Massane dans les Pyrénées, des arbres ont échangé des éléments génétiques avec des lianes.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des botanistes de l'université de Perpignan viennent pour la première fois de séquencer le génome de 17 plantes ou arbres de la forêt de la Massane dans les Pyrénées-Orientales, classée depuis 2021 au patrimoine mondial de l'Unesco. (Illustration) (G.N. VAN DER ZEE / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous explique aujourd'hui que, dans la forêt, les arbres et les lianes se partagent leur matériel génétique.

franceinfo : Expliquez-nous...

Hervé Poirier : Certaines observations sur la vigne ou le kiwi avaient déjà mis la puce à l’oreille des botanistes. Mais c’est la première fois qu’est démontrée la propension des plantes à échanger des morceaux de leur ADN – on parle de transfert horizontal, pour bien le différencier du transfert vertical classique, d’un individu vers sa descendance. 

Des botanistes de l’université de Perpignan ont été pour cela se balader dans la magnifique forêt de la Massane, dans les Pyrénées-Orientales, classée depuis 2021 au patrimoine mondial de l'Unesco. Ils ont choisi 17 membres de la forêt : 6 espèces d’arbres (un hêtre, un frêne, un mélèze, etc…), 4 lianes (un lierre, un chèvrefeuille…), 3 herbacées (une ronce, une sauge…), 1 arbuste, et 3 champignons qui poussaient sur des troncs. 

Pour la première fois, ils ont entièrement séquencé leur génome. Et à l'aide d'outils d'analyse bio-informatique spécifiques, ils ont repéré 12 transferts horizontaux entre 8 espèces de plantes, principalement entre les lianes et les arbres – rien pour les champignons. Ils ne savent pas dans quel sens ont eu lieu ces transferts – des lianes vers les arbres, ou des arbres vers les lianes. Mais ils ont bien eu lieu, il y a 1 à 3 millions – pas dans la forêt de la Massane, donc. 

Cela veut dire que rien qu’en poussant l’une à côté de l’autre, deux plantes peuvent s’échanger leurs gènes ? 

Oui. Même si ce ne sont pas, à proprement parler, des gènes, mais des transposons : des morceaux d’ADN connus, pour pouvoir changer de place et se répliquer au sein d’un même génome – ils se font appeler aussi les "gènes sauteurs". 

Depuis quelques années, les généticiens comprennent que ce sont de formidables accélérateurs de l’évolution. Ils sont présents massivement dans les génomes – ils couvrent environ la moitié de notre ADN – et leurs sauts peuvent provoquer du jour au lendemain des modifications brutales des espèces. 

Mais là, on parle d’un saut d’une espèce à l’autre : c’est encore plus impressionnant. Les chercheurs ont d’ailleurs remarqué qu’une large part de ces transposons se sont dupliqués dans les génomes des plantes, après leur arrivée.

Les forêts permettent donc d’accélérer l’évolution ! 

Oui. On sait que ces écosystèmes, qui couvrent 40% des terres émergées, favorisent la biodiversité (la Massane abrite 10.000 espèces vivantes différentes). On se rend compte aujourd’hui que la coexistence de ces espèces favorise aussi le brassage génétique. La forêt, c’est le haut lieu de l’évolution ! 

 

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