L'essor du plagiat scientifique grâce aux progrès de l'intelligence artificielle

Des chercheurs français ont découvert il y a quelques jours qu'une de leurs études publiée en 2021 avait été depuis entièrement plagiée par des scientifiques chinois.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La pression de publication est de plus en plus forte, expliquent les chercheurs (photo d'illustration). (MOYO STUDIO / E+)

En cette rentrée de septembre, des chercheurs français ont découvert qu'une de leurs études publiée en 2021 avait été depuis honteusement plagiée par des scientifiques chinois.  Cette étude française portait sur l'échographie du diaphragme chez le rat. "Un sujet qui n'intéresse personne tant il est pointu, ou tout du moins uniquement les super-spécialistes", confie en riant l'un de ses auteurs, le Professeur Frédéric Lofaso. C'est la raison pour laquelle, selon lui, ses confrères chinois ont dû se dire que s'ils recopiaient l'étude, cela passerait inaperçu. Nous ne sommes là pas loin du "recopiage", en effet. Dans l'étude chinoise parue un an après, en 2022, des morceaux de phrase sont similaires. Le questionnement initial, la démarche scientifique, les résultats et la bibliographie sont les mêmes. "Ils n'ont même pas fait semblant", conclut le professeur Lofaso.

La pression de publication de plus en plus forte 

Pourquoi plagier le travail scientifique de confrères ? Parce que la pression de publication est de plus en plus forte, expliquent les chercheurs. Dans le milieu scientifique, un adage anglais prévaut, "publish or perish" (publier ou mourir). Il faut publier régulièrement, car plus on publie, plus on a de visibilité, et plus on avance dans la carrière de scientifique, plus on récupère aussi de financements pour son laboratoire et ses futures recherches. Et donc dans cette course à la publication, la tentation est forte de plagier.

Si la plupart des revues scientifiques vérifient les textes avant de publier, toutes ne le font pas, à l'image des revues appelées "prédatrices". En échange de plusieurs milliers de dollars, elles ferment les yeux et publient votre article en quelques jours à peine. "Vous leur présenteriez la recette de la tarte tatin, ils publieraient... du moment que vous payez", regrette le professeur Marc Samama. Il est président de l'Office d'intégrité scientifique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et éditeur de deux revues scientifiques très sérieuses spécialisées dans l'anesthésie. Elles aussi sont victimes de scientifiques "faussaires", qui tentent le tout pour le tout. Chaque semaine Marc Samama reçoit ainsi entre 10 et 40 articles de chercheurs souhaitant être publiés. Environ 20% suscitent des doutes, et 5% sont finalement rejetés pour plagiat, un chiffre en augmentation. Mais certains plagiats ne sont pas détectés.

Des logiciels d'intelligence artificielle utilisés par les éditeurs... comme par les faussaires

Pour déceler le plagiat parmi les articles qu'ils reçoivent, les éditeurs de revues scientifiques sérieuses utilisent des logiciels d'intelligence artificielle qui recherchent des similitudes avec des articles déjà publiés. Inversement, les faussaires utilisent aussi l'intelligence artificielle pour "torturer" des phrases (changer les mots d'une phrase). Un exemple : "Aujourd'hui, il fait beau". L'intelligence artificielle peut torturer la phrase et la changer en "Ce jour, le temps est magnifique". Le sens est le même, mais les mots différents. Il est ici plus difficile de repérer le plagiat. 

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