Le billet sciences. Pourquoi retrouve-t-on des traces de pesticides dans l'eau du robinet ?
Des résidus de pesticides, cancérigènes ou potentiellement perturbateurs endocriniens, retrouvés dans l'eau du robinet en France. L'association Générations futures s'interroge sur la différence entre les résultats.
L'eau du robinet, que l'on consomme chaque jour, contient des résidus de pesticides potentiellement cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. L'association Générations futures publie une enquête mercredi 17 juin, que franceinfo a pu consulter.
L'enquête de l'association s'est basée est une analyse des résultats des plus de 200 000 contrôles sanitaires de l’eau du robinet réalisés dans le cadre d’analyses réglementaires par les agences régionales de santé. Générations Futures s'est attachée à étudier le nombre de pesticides présents dans l'eau ayant des propriétés cancérogène, mutagène, reprotoxique (CMR) ou perturbatrice endocrinienne (PE). Sur près de 8800 analyses, Générations Futures a noté la présence de ces résidus de pesticides retrouvés dans l'eau du robinet sont majoritairement, à 56,8%, des perturbateurs endocriniens suspectés, selon les travaux de l'épidémiologiste américaine Théo Colborn. Les résidus CMR sont aussi très présents. 38,5% des quantités de résidus ont des propriétés cancérogène, mutagène, reprotoxique.
Des pesticides interdits avec des seuils autorisés
Parmi les molécules les plus souvent quantifiés par l'étude figurent de nombreux herbicides ou fongicides interdits depuis plusieurs années : le Métolachlore, herbicide interdit depuis 2003, le Simazine et l'Atrazine, herbicides non approuvé au sein de l'Union européenne depuis 2004, l'Oxadixyl, fongicide interdit depuis 2002, le Dichlobénil, herbicide non approuvé depuis 2008, l'Alachlore, herbicide non approuvé au sein de l'UE depuis 2006 et l'Anthraquinone, un pesticide type répulsif non approuvé au sein de l'Union européenne depuis 2008. Selon le rapport, les résidus de pesticides étant CMR et/ou PE suspectés représentent au total plus des trois quarts des quantités de résidus de pesticides. Générations futures rappelle que ces substances posent des questions sanitaires sur lesquelles de plus en plus de travaux de recherche se penchent et que les perturbateurs endocriniens conservent un potentiel d’action à faible dose sur le long terme. Pour elle il ne faut pas attendre des décennies d'avoir des preuves formelles pour commencer à les réduire. Pour autant, l'association n'a pas regardé dans son rapport si ces substances dépassaient les seuils autorisés. Lorsque que c'est le cas, les services de gestion de l'eau contactent les usagers pour les prévenir que l'eau est impropre à la consommation. En général, c'est plutôt pour des questions de turbidité ou de présence de nitrates que l'on peut avoir des coupures d'eau ou des problèmes sur les captages plutôt qu'en raison d'une trop grande quantité de pesticides.
Des disparités surprenantes
L'association s'inquiète tout de même des différences de résultats entre les départements. On ne cherche pas en permanence toutes les substances partout et à la même fréquence et c’est justement ce qui le plus intéressant dans ce rapport : Pourquoi de telle différences départementales ? Dans l’Aisne, on va trouver une dizaine de pesticides seulement moins que dans les départements voisins alors qu’il y a peu près les mêmes cultures et 50 fois moins que dans le Var on en trouve 590. Est-ce que cela veut dire qu’il y a moins de pollution en Picardie ? L’association en doute. On ne trouve que ce que l’on cherche, elle demande donc une harmonisation des contrôles et de leur fréquence sur l’ensemble du territoire.
Le temps n’est plus aux tergiversations mais à une action résolue pour sortir les agricultures françaises et européennes de leur dépendance aux pesticides de synthèse
Générations futures
Ces résultats attestent d’une exposition continue à des faibles doses par l’eau de consommation. Générations futures en appelle au gouvernement afin qu’une politique efficace de réduction de l’usage des pesticides soit enfin appliquée. Elle souligne que la Commission européenne vient d’appeler à une réduction de 50% de l’usage des pesticides, comme la France l'a fait avec son plan Ecophyto mais sans succès pour l'instant.
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