Le brief éco. Données informatiques : entre guerre industrielle et souveraineté
Le groupe Safran va céder ses activités biométries au leader mondial de la sécurité digitale. A première vue, l’opération paraît banale, mais elle est hautement stratégique.
Après Lafarge cédée au Suisse Holcim ou Alcatel vendu à Nokia, il était hors de question de laisser filer une partie de notre industrie de l’analyse de données.
Safran – groupe français spécialisé dans les technologies pour l’aéronautique, l’Espace et la défense – voulait se séparer de ses activités identité et sécurité. Plusieurs prétendants étaient sur les rangs dont la multinationale française Gemalto et le fonds américain Advent. C’est le second qui l'a emporté pour la phase des négociations exclusives.
On se dit tout de suite : ce sont donc les américains qui mettent la main sur notre savoir-faire. Certes ! A la seule différence près que Safran Identity va être fusionnée avec Oberthur (propriété du fonds américain). Oberthur est français, un groupe bien gaulois, descendant de l’imprimerie Oberthur fondée à Rennes au milieu du XIXème siècle par un certain François-Charles Oberthür. L’entreprise est aujourd’hui spécialisée dans la conception et la fabrication de services de sécurité pour les télécoms et les systèmes de paiement.
Choix judicieux
Le choix ne s’est pas fait uniquement pour de vagues raisons nostalgiques. L'autre acheteur français potentiel, Gemalto, n'était pas le plus offrant, et c'est aujourd'hui une entreprise de droit néerlandais basé aux Pays-Bas... plutôt problématique aux yeux de l'Elysée.
L'option retenue avec l'américain fait sens. Le nouvel ensemble va devenir un champion mondial des technologies de l’identification, générant un chiffre d’affaires proche de trois milliards d’euros, sans atteindre la souveraineté française. En effet, Advent-Oberthur s'est engagé à maintenir le siège social dans l'hexagone, ainsi que les activités Recherche et développement et des capacités de production clefs. Enfin, comme Oberthur est implanté dans une cinquantaine de pays, tout partira d'ici, le centre névralgique.
Jackpot sur le plan économique et stratégique
Safran et son actionnaire l’Etat ont bien joué. L’Etat est actionnaire de Safran à hauteur de 15% et Bpifrance, l’un des bras financiers de la République, va prendre une participation dans le nouvel ensemble. On parle d'au moins 10%.
Donc belle opération. Pas tant sur le plan du patriotisme économique que celui de la souveraineté française sauvegardée dans ce dossier. Le genre d’histoire que l’on aimerait pouvoir raconter plus souvent.
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