Agriculture : méthaniseur, nouvelles technologies... comment les éleveurs font face à la crise énergétique
Touchés directement par le dérèglement climatique, les métiers de l'élevage sont en constante évolution. Exemple dans une exploitation bovine près de Rennes.
Le jour n'est pas encore levé. Il est 6h mais, dans cette exploitation agricole du Rheu près de Rennes, tout le monde est déjà debout. Les vaches meuglent dans le pré. "La priorité, c'est de rentrer les animaux pour aller à la traite", explique Romain Marqué, le propriétaire des lieux. Direction la salle de traite avec les 150 vaches. La ferme produit 1,4 millions de litres de lait par an pour une coopérative située à Rennes.
Romain le sait : son métier est en perpétuelle évolution. Les dernières avancées de la profession seront présentées au plus gros salon de l'élevage professionnel (le SPACE). Il a lieu à Rennes du mardi 13 au jeudi 15 septembre. Quelques 100.000 visiteurs sont attendus.
Sur l'exploitation de Romain, pas de robot de traite. Ou plutôt plus de robot : l'éleveur s'en est débarrassé il y a quatre ans, en prenant la succession de ses parents. "Aujourd'hui dans les salles de traite, on tout autant de technologie embarquée qu'un robot. La seule différence, c'est qu'il faut brancher les vaches", détaille l'agriculteur en mettant la machine sur le pis de ses vaches. "Et après, on a des outils d'aide à la traite qui nous permettent d'avoir des informations sur les animaux sans avoir à aller se promener avec et risquer de se faire bousculer. C'est aussi la sécurité..."
Pragmatique, Romain a repensé toute l’exploitation. Des petites améliorations au quotidien : "Par exemple, vous marchez sur un sol qui peut varier de 35 cm en hauteur pour s'adapter à la taille du trayeur." Cela a l’air anecdotique comme ça, mais la Mutualité sociale agricole (MSA) a subventionné cet achat pour éviter les troubles musculosquelettiques.
Une ferme qui consomme moins d'énergie
Économies de gestes, économies d’énergie aussi. L’eau est chauffée par des panneaux solaires pour laver les trayeurs. Elle est ensuite recyclée pour nettoyer le reste de la ferme. Des petites améliorations du quotidien, en prise évidemment avec la réalité du monde extérieur. "On n'a pas attendu tout ce qu'il se passe aujourd'hui pour le faire. Les travaux pour la réduction de la consommation d'énergie, tout ce qui est bon pour la consommation énergétique de toutes les façons est bon pour le porte-monnaie", souligne Romain.
L'amélioration des conditions de travail, c'est bon pour les animaux, c'est bon pour nous, donc on a tous intérêt à y passer
Romain Marqué, éleveur bovin près de Rennesà franceinfo
Cet été, la sécheresse a durement touché les agriculteurs français. En Bretagne, on a sans doute moins souffert qu'ailleurs. Du moins en apparence : les prés sont bien verts. "Au dessus, c'est humide, l'herbe a repoussé. En dessous, il y a besoin de refaire le stock, ça c'est clair", observe Romain. Ces vaches ont pû retrouver leur pâture il y a une dizaine de jours. "Il y a trois semaines, tout était encore grillé."
Malgré la sécheresse, l'éleveur ne craint pas l'hiver. "On avait fait un bon stock l'année dernière, parce qu'on a eu la chance d'avoir des très bonnes récoltes, explique Romain. Il y a un adage qui consiste à dire qu'une très bonne année suit une mauvaise. On est en plein dedans. Faire du stock sauve les structures qui ont pu le faire l'année précédente."
Chauffer avec les bouses de vaches
Les agriculteurs sont également confrontés à la flambée des prix de l'énergie et donc des engrais. Mais face à ça, Romain est plutôt serein. Sa grande fierté est d’avoir monté, avec trois associés, une unité de méthanisation à 2 km de son exploitation. "On a des effluents d'élevage dans nos fermes, des fumiers et des lisiers, vaches, cochons, tout confondu, qui nous servent de fertilisant mais qui ne sentent pas bon, explique l'agriculteur. Il faut le valoriser d'une façon ou d'une autre, donc on s'est dit pourquoi pas la méthanisation."
"Le principe, c'est qu'on va continuer la digestion dans une grande cuve en béton qui a la même température que la vache, qui va être agitée comme si elle marchait, histoire que toutes les bactéries se sentent bien en mouvement et continuent leur travail. Et en digérant, elles font comme la vache, elles font du gaz sauf que celui-ci est contenu et injecté directement dans le réseau de GRDF pour les chaudières des particuliers ou des entreprises", détaille Romain. Un investissement de 4 millions et demi d’euros, mais le jeu en vaut la chandelle. Le méthaniseur produit 11 gigawatts par an.
On fournit ce que consomme notre commune de 4 000 habitants en totalité. Finalement, la commune est autonome avec les fumiers et lisiers de ses vaches
Romain Marqué, éleveur bovin près de Rennesà franceinfo
La mère de Romain, Catherine, prendra sa retraite à la fin de l’année. Elle est assez admirative du chemin parcouru : "On faisait comme mon mari avait tout le temps fait, mais ce qu'il met en place est bien."
Le préoccupation environnementale au cœur du SPACE
Comment réduire l'empreinte carbone de l'élevage ? Sans doute pas en diminuant le nombre d'animaux, estime le président du SPACE, Marcel Denieul : "Si on diminue le nombre de ruminants, on va diminuer les prairies et les prairies. Ce sont des stocks de carbone qui sont dans le sol et si on met les prairies en culture, on va larguer du CO2 dans l'air."
Mais alors comment quelles solutions ? "L'élément majeur à notre niveau, c'est d'être très cohérent, utiliser moins d'engrais azotés et donc mieux utiliser les engrais de ferme et fumier. Mais c'est aussi mieux utiliser des légumineuses qui sont des plantes qui fixent l'azote. Ensuite, affiner l'alimentation pour éviter le maximum de gaspillage", détaille Marcel Denieul. Selon lui, en 40 ans, la quantité d'aliments nécessaire pour nourrir un poulet a été divisée par deux. Sans compter les économies d'énergie qui sont à la portée de tous.
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