Brésil : les quartiers populaires indécis à trois jours du scrutin présidentiel
Le premier tour de l’élection présidentielle a lieu dimanche prochain au Brésil. Le sortant, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, affronte entre autres l’ex chef d’État de gauche et favori du scrutin, Luiz Inacio Lula Da Silva, qui fait son grand retour en politique.
La Baixada Fluminense, gigantesque région au nord de Rio, est composée d’une dizaine de municipalités. Elle compte près de quatre millions d’habitants, noirs et métis en majorité. En 2018, on y a voté massivement pour Bolsonaro, parfois près de 70%.
À l’entrée de Nova Iguaçu, pas de goudron mais des chemins en terre constellés de nid-de-poule. Dans ce quartier oublié de la campagne électorale, des "Jésus" écrits en grosses lettres un peu partout, des logements sociaux en ciment à l’abandon... Sarah vit ici avec son fils de 5 ans et sa mère. Aujourd’hui, la vendeuse en pharmacie ne veut plus entendre parler de Bolsonaro : "J’avais voté pour lui parce que je pensais vraiment qu’il ferait mieux que les autres. Aujourd’hui, je ne m’en sors pas, tout est très cher, les aliments, le gaz par exemple. Avant, je payais la bonbonne 60 reals (11 euros), aujourd’hui c’est le double."
Inflation à deux chiffres, chômage élevé, un Brésilien sur six souffre de la faim. Des frigos et des placards sont vides, un comble dans ce pays mastodonte de la production agricole mondiale. En août, le gouvernement a augmenté jusqu’à décembre les aides sociales de 77 à 115 euros. Cette allocation a été créée par Lula quand il était au pouvoir. Sarah votera pour son parti, le PT, le parti des Travailleurs : "Aujourd’hui on a peur de le dire, parce qu’au Brésil certaines personnes ont été tuées pour ça."
Les indécis encore nombreux
Certains se décideront après avoir regardé le dernier débat télévisé entre les candidats, jeudi soir. Dans sa bicoque, Jucilène y jettera un œil. Pour l’instant, elle exclut de voter pour Bolsonaro, mais "Lula aussi est hors-jeu pour moi."
Cette mère célibataire habite dans une des décharges du quartier de Duque de Caixas. L'odeur permanente de plastique brûlé ne l’incommode plus. Ce qui l’angoisse, ce sont les balles perdues de la police ou des narcotrafiquants qui tiennent la favela. Elle en veut à Jair Bolsonaro d’avoir sous-estimé le Covid-19, cette "grippette" selon les mots du président, qui a tué près de 690 000 personnes dans le pays. "Ma sœur est morte au tout début de l’épidémie. Elle ne sentait pas bien, on l’a emmenée à l’hôpital, et trois jours après on nous a dit qu’elle avait été intubée mais son cœur a lâché. Bolsonaro nous a méprisés, je le hais."
"Ni Lula ni Bolsonaro"
Maurizio, figure politique locale, se dit écœuré par la façon dont Jair Bolsonaro a géré les crises sanitaires et économiques. Il a fait campagne aux côtés de l’ex-député de Rio en 2018. Il va voter pour le "moins pire" des autres candidats : "C’est sûr, ni Lula ni Bolsonaro ! Le premier est un corrompu, il a été en prison, c’était le chef de gang, et l’autre nous avait donné l’espoir que tout ça serait fini mais sa famille est impliquée dans tellement de scandales que son nom est sali à jamais."
Dans les derniers sondages, Lula fait toujours la course en tête : autour de 45% contre 33% pour son adversaire. Itamar, chauffeur et maître de capoeira de 62 ans, ne croit pas aux sondages et il pense que les élections sont truquées. Le métis revotera pour Bolsonaro, même s’il se dit gêné par les sorties racistes du président sortant. Comme lui, il est contre l’avortement, le mariage pour tous, le vaccin et une supposée théorie du genre : "D’accord, l’acte sexuel ça fait partie de la vie mais on ne peut pas inciter les enfants à être bisexuel, à être ni garçon ni fille... Le PT et tous ces gauchos poussent à ça !"
C'est une croyance bien installée chez les partisans de Bolsonaro, qui en avait déjà fait un argument de campagne en 2018.
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