"C'est la première fois que je tenais une arme" : on a suivi la formation d'un policier réserviste
La police forme actuellement des réservistes pour renforcer sa présence sur le terrain. L'objectif est d'en recruter 30 000 d'ici 2030. Franceinfo a suivi Jules, 23 ans, à Orléans. Il sera amené à porter une arme jusqu'à 90 jours par an. Des syndicats s'inquiètent.
"Au coup de sifflet, on vide son chargeur !", lance le major Éric Palais, avant que les détonations résonnent dans le stand de tir de l'hôtel de police d'Orléans. Jules, 23 ans, vient d'appuyer sur la détente. Le jeune homme fait partie des 1 500 réservistes qui doivent être recrutés dès cette année, dans le cadre d'une grande campagne en direction de la société civile.
Loin des armes et de la sécurité, Jules vient du milieu médical, il est aide-soignant dans un service de soins intensifs : "C'est pour cela que j'ai choisi la police, il y a ce côté humain, population. Je n'avais jamais osé sauter le pas avant, j'y pensais depuis un moment, mais quand j'ai entendu parler de la réserve je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer. Au final, me voici ici."
Mise en situation
Le jeune homme en est à sa troisième semaine de formation sur quatre. Après dix séances de tirs déjà en juillet, il vient de passer trois mois sans toucher une arme. Le retour dans le stand se fait d'abord par des manipulations à vide, puis différents exercices à balles réelles, puis encore le cran au-dessus : avec des obstables et en couvrant son coéquipier. "Je trouve qu'ils n'ont pas trop perdu par rapport à ce que l'on pouvait attendre", observe le major, ils n'ont eu que 15 jours de formation. Ils sont restés maîtres de leur arme et ils maîtrisent assez bien les manipulations et le tir, donc on peut, au fur et à mesure, complexifier les exercices."
Jules fait le bilan devant la cible. "Pour une première à deux [coéquipiers], c'est bien", commente le major. Le futur réserviste est alors tout sourire et se remémore ses premiers tirs, trois mois plus tôt : "C'était la première fois qu'on tenait une arme, J'avais beaucoup d'appréhension. Je me suis dit : 'Est-ce que je vais réussir à l'utiliser ? Est-ce que je vais être dans les bonnes règles de sécurité'. Les formateurs sont très pédagogues et ont réussi, pour la plupart, à nous faire surpasser nos peurs."
"Des étudiants ou des personnes qui n'ont jamais eu un contact avec une arme tremblaient dès le départ. C'est rédhibitoire, ce n'est pas possible."
Le major Éric Palais, l'un des formateursFrance Info
La crainte de tenir une arme dans ses mains permet de faire le tri. Un premier écrémage pour éviter de futurs accidents sur le terrain. "Ce n'est pas possible d'être dehors, sur une intervention, où on a peur de son arme et où les collègues doivent faire attention à vous, et en même temps veiller à la sécurité de l'intervention", décrit Éric Palais. Parmi les réservistes présents avec Jules, un quart ont été éliminés en raison du tir.
Au contact de la population, pour le meilleur et pour le pire
Renforcer les rangs de la police avec des réservistes issus de la société civile vise à améliorer l'image des forces de l'ordre auprès de la population. "La solution de la réserve va nous permettre de nous rapprocher de la population, de prendre des gens dans la population, qui travaillent déjà, qui en font déjà partie. Nous cherchons à recruter dans les 18 - 35 ans, pour avoir une proximité plus importante avec la jeunesse", explique Thierry Guiguet-Doron, directeur départemental de la sécurité publique dans le Loiret.
L'ambition est de doubler la présence des "bleus" au contact de la population d'ici 2030. Une manière de rattraper le retard de la police sur la gendarmerie qui a déjà une réserve de près de 40 000 membres. Mais les réservistes seront-ils amenés à prendre le relais des titulaires ? Et si oui, pour quels types de missions ? Des syndicats s'inquiètent.
"Ces personnes vont être confrontées à la violence que l'on peut rencontrer dans la société. De police préventive, on peut passer à de la police répressive en quelques minutes"
Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l'UNSA PoliceFrance Info
Ils pointent du doigt des policiers adjoints formés en seulement quatre mois, et maintenant des policiers réservistes formés en quatre semaines. "Il y a la crainte que ces personnes soient utilisées comme du personnel actif, comme des policiers, et qu'on les dévoie de leur mission d'accompagnement", alerte Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l'UNSA Police.
Le syndicaliste rappelle la différence de durée de formation entre un gardien de la paix et un réserviste : "Un policier est formé pendant douze mois, une personne de la réserve opérationnelle aura une formation de quatre semaines, donc ce n'est pas la même chose, ce ne sont pas les mêmes missions, pas le même statut."
Deux parcours différents, et pourtant des situations à traiter qui risquent, elles, d'être similaires. "Ces personnes-là vont être confrontées à l'absence de respect dont font l'objet nos collègues. C'est cela aussi la difficulté du métier", ajoute Thierry Clair. Et parmi les situations les plus critiques qui attendent potentiellement les réservistes, figurent les refus d'obtempérer qui se mulpiplient, plus de 26 000 l'an dernier. Déjà tant redoutés par les titulaires aguerris, ils sont à l'origine d'une augmentation des tirs mortels depuis le début de l'année.
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