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"C'est le paradis ici !" : les îles Canaries attirent en masse les télétravailleurs européens

Entre 5 000 et 10 000 télétravailleurs étrangers ont posé leurs valises aux îles Canaries, en Espagne, séduits par la météo, la proximité de la mer et le peu de risque d'y contracter le Covid-19, peu présent sur ces îles.

Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Vue générale plage de Las Palmas sur l'île de Gran Canaria. (JÉRÔME JADOT / RADIO FRANCE)

Ils ont fui la France, ses confinements et ses restrictions sanitaires : dans les îles Canaries, rochers volcaniques espagnols posés sur l'Atlantique, les télétravailleurs européens ont posé leurs valises, à la faveur des différents confinements imposés en Europe à l'heure du Covid-19. Avec un grand soleil, 30 degrés en permanence au printemps, des palmiers et de belles plages, Gran Canaria a tout pour séduire, d'autant que le Covid-19 est peu présent, avec un taux d’incidence sur l'île de seulement 60 pour 100 000 habitants. Six fois moins qu'en France.

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Dîner en terrasse et prendre un verre est par ailleurs autorisé et ce vent de liberté attire : selon les professionnels du tourisme, entre 5 000 et 10 000 télétravailleurs étrangers ont élu provisoirement domicile aux Canaries, dont de plus en plus de Français. Parmi eux, Jean*, trentenaire, chef de projet informatique. Jean nous reçoit en chemise et sort d'une réunion Zoom, en maillot de bain, toutes tongs dehors.

En fin d'après-midi, je me mets sur le transat près de la piscine, en face de la mer, pour envoyer mes derniers mails.

Jean

à franceinfo

Jean est arrivé ici en janvier. Il ne supportait plus le "distanciel" à 100% dans son appartement parisien et dit avoir retrouvé le goût du travail et la productivité. "Une tâche à Paris pouvait me prendre trois heures, explique le trentenaire. Ici, je la fais en dix minutes parce que j'ai plein d'autres trucs plus sympas à faire ! Je ne pense pas qu'on puisse faire mieux en termes de conditions de travail : la salle de sport est ouverte, j'ai les restos juste en bas. Mardi dernier, j'ai été à l'opéra : je n'y étais pas allé depuis un an ! C'est le paradis ici !"

Des salariés étrangers en télétravail sur la terrasse de leur location à la Casa Canaria à Las Palmas (Canaries) le 30 mars 2021. (JEROME JADOT / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Certes, le paradis a été un peu durci pour cause de forte fréquentation en cette semaine sainte : le couvre-feu a été fixé à 22 heures et les bars et restaurants sont ouverts uniquement en terrasse. Il s’agit de télétravailleurs essentiellement européens et membres d’un même réseau social. Ils disent avoir aussi choisi les Canaries pour le système de santé, la monnaie l’euro, le fuseau horaire, une seule heure de décalage avec Paris et le coût de la vie y est raisonnable aux yeux de Leila arrivée en décembre."Je paie 400 euros, ici, explique Leila. Les chambres près de la mer, normalement, c'est plutôt 800 voire 1 000 euros mais j'ai négocié."

Les restos sont très bons et pas trop chers... Dans l'ensemble, c'est meilleur marché qu'en France.

Leila

à franceinfo

Et puis, il y a toutes les activités : fitness ou yoga le matin sur la plage, randonnées le week-end, ou encore cours de surf… Dans les îles Canaries, passées l’an dernier de 15 à 5 millions de touristes avec le Covid, l'arrivée de ces télétravailleurs maintient à flot l’école de glisse que dirige Sergio Alvarez. "La moitié des clients sont des télétravailleurs, indique-t-il. Ce sont de bons clients : ils ont du temps pour faire du surf..." Du coup le gouvernement canarien tente de développer ce secteur et a investi un demi-million d’euros notamment dans une prochaine campagne de communication visant les télétravailleurs en Europe et aux États-Unis.

Cours de surf de l'école Oceanside, à Las Palmas (Canaries) le 30 mars 2021. La moitié des élèves sont désormais des teletravailleurs étrangers. (JEROME JADOT / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Depuis l’été dernier, on voit une croissance de 10% tous les mois, indique Nacho Rodriguez, qui gère des espaces de travail et des colocations qui leur sont destinés. Nous, on a trois colocations et elles sont pleines depuis septembre. La plupart des télétravailleurs sont dans le domaine de la connaissance, souvent bien payés. Ce sont évidemment des visiteurs précieux."

Les employeurs sont rarement au courant

Des visiteurs que Nacho espère aussi durables, au-delà de la crise sanitaire. Cela ne déplairait pas à Jean, que nous retrouvons au bord de la piscine. Mais il y a quand même un hic : "Mon entreprise n'est pas au courant que je suis ici, confie-t-il. Comme beaucoup d'autres entreprises, elle n'autorise pas le télétravail à l'étranger, pour des tas de raisons, notamment fiscales ou d'assurance. Alors je reste vague, je dis que je suis dans le sud." Dans ces conditions, le bronzage peut parfois devenir gênant en visioconférence et certains télétravailleurs utilisent des éclairages spéciaux pour masquer leur teint hâlé.

Les Canaries ne sont pas les seules à draguer les télétravailleurs. Dans un monde où le tourisme s’effondre et où le travail à distance explose, ces travailleurs potentiellement nomades sont fortement prisés. Ainsi, l’île portugaise de Madère vient de lancer un village pour eux avec espaces de travail gratuits. Un peu plus loin, La Barbade, dans les Caraïbes, leur offre désormais un visa d'un an. Le Costa Rica, lui, leur offre un visa de deux ans. Des critères d’attractivité parmi d’autres, scrutés de près par ces travailleurs : le site Nomad List classe en temps réel les meilleures destinations. Dans le Top 10, Tenerife, aux Canaries, fait partie de celles qui montent.

* Le prénom a été modifié.

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