Cabines d'essayage, services aux seniors, examen du Code la route... La Poste continue à chercher les moyens de se réinventer

Face au désamour des Français pour le courrier, La Poste poursuit sa stratégie de diversification.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
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Temps de lecture : 5min
Une cabine d'essayage à disposition dès la réception d'un colis à la Poste de la Rochelle. (JEAN-CHRISTOPHE SOUNALET / MAXPPP)

Lettres, cartes postales... Le courrier "traditionnel" a du plomb dans l'aile : en 15 ans, trois fois moins de lettres ont été envoyées. Face à cette situation, La Poste poursuit sa stratégie de diversification, essaie de trouver de nouveaux marchés, de gagner des parts supplémentaires sur d'autres. Et pour conquérir de nouveaux clients, elle tente des expériences pour le moins originales.

La dernière trouvaille, c'est une cabine d'essayage dans un bureau de Poste parisien. L'installation est impossible à rater, il s'agit d'une boîte aux lettres géante, qui laisse certaines personnes perplexes, raconte Célia, chargée de clientèle : "Le client arrive et demande 'Mais c'est quoi cette boîte jaune ? On peut déposer des lettres dedans ? Vous avez des toilettes ? Ce sont des toilettes ?'"

C'est bien une cabine d'essayage. Le principe, c'est de pouvoir essayer les vêtements ou chaussures commandés sur Internet, et si ça ne va pas, de renvoyer dans la foulée à l'expéditeur. Les clients se laissent séduire doucement. "Au début, ils étaient très réticents, raconte Célia, cela portait plus à curiosité. Et de plus en plus, on a eu des clients, pas encore la foule, mais on a eu des clients qui ont déjà essayé et même demandé notre avis. 'Est-ce que ça vous paraît bien ? Est-ce que c'est sympa ?'" Pour l'instant, des cabines d'essayage sont installées dans quatre bureaux de poste, sur un total de plus 7 000 bureaux. 

La Poste mise surtout sur les services payants à la personne

Elle veut devenir le premier opérateur de service de proximité, et, notamment des services destinés aux seniors. La Poste veut être, selon son patron un "acteur central face au défi du vieillissement, de la solitude, et de l'éloignement". Des repas portés à domicile, elle prévoit d'en livrer dix millions en 2024, également des livraisons de médicaments ainsi que le dispositif "Veillez sur mes parents". Le facteur passe un quart d'heure entre une et six fois par semaine chez une personne âgée. Cela coûte entre 21,90 euros et 103,90 euros par mois, avant crédit d'impôt.

Démonstration avec Alexia, factrice en région toulousaine, qui va voir René, 91 ans, deux fois par semaine. "Ils sont sympathiques, sourit-il, on passe un moment ensemble". Pendant un quart d'heure, Alexia et René discutent de petits soucis et de gros problèmes : "Vous ne pouvez pas rester sans fioul là, il n'y a pas de chauffage, pas d'eau chaude, il n'y a rien", s'inquiète Alexia. "Je suis comme un rat", se désole René. "Sa cuve s'est vidée dimanche", explique la factrice.

Après chaque visite, Alexia remplit un rapport sur sa tablette. "On nous demande quelle est son humeur, j'ai mis qu'il était de bonne humeur. Ensuite, s'il a des besoins particuliers, qu'il a besoin de courses et en rentrant je resignalerai qu'il n'a pas de chauffage", détaille factrice. En 2023, Alexia a signalé que René n'allait pas bien, l'information est remontée jusqu'au Conseil départemental et des aides supplémentaires ont été mises en place.

Alexia, factrice en Haute-Garonne, veille sur René, 91 ans, deux fois par semaine. (CAMILLE REVEL / FRANCEINFO)

Le syndicat Sud PTT, lui, assure que le facteur jouait déjà ce rôle, mais gratuitement, et dénonce une tentative de "rentabiliser des missions intrinsèques à la présence postale". Le dispositif "Veiller sur mes parents", lancé il y a sept ans, représente 16 000 contrats aujourd'hui.

Au-delà des services pour les seniors, La Poste propose aussi de faire passer le Code de la Route pour 30 euros l'examen, de la rénovation énergétique, des prestations de jardinage ou d'aides ménagères, et même du bricolage, via une filiale. Aujourd'hui, tous ces nouveaux services à la personne représentent 840 millions d'euros de chiffre d'affaires. De quoi compenser la baisse du courrier qui coûte à La Poste 600 millions d'euros par an. Mais cette baisse ne va pas s'arrêter, loin de là.

Le courrier de moins en moins important pour la Poste 

L'échange de lettres ne représente plus que 17% de son chiffre d'affaires. Une baisse que constate aussi Alexia. Exemple lors de sa tournée de courrier, à la Salvetat Saint-Gilles, 8 000 habitants 1 319 boîtes aux lettres à desservir. Elle procède d'abord à la levée, décompte neuf lettres et part pour la distribution. "Une lettre, une pub et un magazine", énumère Alexia lors de son premier arrêt. Quand elle a commencé, il y a cinq ans, "il y avait plus de lettres que de magazines ou de pub". Sur ces lettres, un timbre vert, qui vient de passer d'1,16 euro à 1,29 euro. "On a l'impression qu'ils veulent tuer le courrier", s'agace Sud PTT.

"L'apogée en volume, en nombre de lettres, c'était 2008, avec 18 milliards de lettres. L'année passée, nous avons livré six milliards de lettres et dans nos projections, on sera encore autour de trois milliards de lettres à la fin de la décennie."

Philippe Dorge, directeur général adjoint de La Poste

à franceinfo

Un changement de stratégie que défend Philippe Dorge, directeur général adjoint de La Poste en charge de la branche Service Courrier Colis :  "Notre modèle, c'est la mutualisation. D'avoir des facteurs qui livrent à la fois les Colissimo et, en plus et de façon complémentaire, des nouveaux services de proximité. C'est ce modèle de multi-activités, multi-métiers qui fera l'avenir du métier de facteur."

Dans un rapport paru en mai dernier, la Cour des comptes salue les réformes menées par La Poste. Mais, poursuit elle, elle ne constitue pas une solution pérenne et des transformations supplémentaires sont nécessaires. 

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