Des aides-soignants veulent un statut d’autoentrepreneur que le gouvernement leur refuse
Avec les autoentrepreneurs d'un côté, les aides-soignants, et des clients de l'autre, les établissements de santé, les plateformes ressemblent à une nouvelle application Uber. Parfois, il y a même un système de notation, comme sur Brigad sur laquelle Wendy est inscrite. "On est noté sur la qualité de travail, l’assiduité et la ponctualité, ce qui est très important", précise-t-elle. "C’est une notation de une à cinq étoiles."
Pour devenir autoentrepreneur, c'est très simple, les aides-soignants n'ont qu'à s'inscrire sur l'une des plateformes et se laisser guider. Mais normalement ce statut n'est pas fait pour eux et Maxime Klein co-fondateur de Mediflash reconnaît que sa société joue sur les failles du système, "une zone grise", dit-il "pour être très transparent".
L'inspection du Travail accusée de "faire peur" aux directeurs d'établissement
L'inspection du travail mène la vie dure à ces plateformes en convoquant les aides-soignants autoentrepreneurs, en envoyant des lettres aux directeurs d'établissement leur intimant de ne plus les embaucher. Et ça fonctionne. Le dirigeant de Mediflash déplore une baisse d'activité d'un tiers dans le Grand Est. "La réalité, c’est qu’on essaie de faire peur aux directeurs d’établissements de santé en les dissuadant de travailler avec notre plateforme. Sauf qu’il n’y a pas d’action en justice contre nous. Notre modèle est parfaitement légal. Si demain, il devait y avoir un procès, on est convaincus de gagner, assure Maxime Klein. À la rigueur, ça crée une jurisprudence et au moins, ça clarifierait notre modèle". Dans un courrier de la direction de l'Économie et de l'Emploi du Grand Est, Mediflash est épinglé pour "prêt de main d'œuvre abusif", mais il n'y a toujours aucune plainte contre la société.
D’après les aides-soignants, devenir autoentrepreneur, c'est tout bénéfice : ils gagnent plus et ils maîtrisent leur emploi du temps. "Ce qui m’a intéressé c’est surtout la flexibilité, explique Wendy, ne pas travailler les jours fériés. J’ai deux petites filles de 8 ans, donc pour s’organiser pour l’école, les devoirs, les activités extérieures, c’est vraiment l’idéal". L'autre avantage de ce statut d'auto entrepreneur, c'est la rémunération. Mickaël Matusales affirme gagner beaucoup plus qu'avant.
"En CDI, on va être à 1 400 net en jeune diplômé, on va être quasiment à 1 800 en CDD, et par exemple, avec Mediflash, je vais être entre 2 000 et 3 000 euros net par mois en tant qu’autoentrepreneur."
Mickael Matusales, aide-soignant indépendantà franceinfo
De plus, "quand on est salarié, on est soumis au code du Travail mais là, si j’ai envie d’enchaîner cinq jours ou sept jours d’affilée, je suis libre de le faire", vante Mickaël Matusales. S'il n’y a pas de limites horaires, il y a aussi moins de protection, objecte Noureddine Douissa, médecin gériatre dans une résidence pour personnes âgées dépendantes à Lyon. "Quand ils travaillent, ils sont payés mais quand ils ne travaillent plus, ils ne sont plus payés", fait valoir le médecin qui pense que les soignants ne sont pas bien informés des risques, notamment en cas d’accident de la route par exemple.
Un système gagnant-gagnant
Pour l'instant, ces aides-soignants autoentrepreneurs continuent d'assurer des remplacements dans les Ehpad en raison de la pénurie de main d'œuvre. C'est une profession en tension, et encore plus depuis le Covid, trop dur à gérer pour Sabrina. C’est ce qui l’a poussée à passer au statut d'autoentrepreneur. "Je n’en pouvais plus. On nous appelait à n’importe quel moment. Faut travailler, faut travailler… On n’y arrivait plus, on tombait dans la dépression", raconte-t-elle. La dépression, elle avait connue cinq ans avant l'épidémie. "Donc j’ai préféré tout laisser tomber, démissionner et partir".
Du côté des employeurs, il y a aussi des avantages à faire appel à ces plateformes. Evelyne Romanotto qui gère les plannings dans une unité de soins longue durée à Lyon, les Hibiscus, trouve facilement des remplaçants qui connaissent déjà son établissement.
"Mes patients sont très dépendants. Il est très important de connaître leurs habitudes. Mediflash a su recruter du personnel dans le secteur. C’est du personnel en capacité de venir très rapidement et qui revient. Donc effectivement, c’est très intéressant pour moi de travailler avec eux."
Cécile Hamon, qui dirige une résidence sénior près de Rennes, confirme qu’elle aurait du mal à se passer de ces autoentrepreneurs.
"On peut entendre la question de la légalité mais au niveau des résidents, il y a quand même une sécurité, une continuité de service que nous ne pouvons pas assurer parce qu’on ne trouve pas de personnels."
Cécile Hamon, directrice d'Ehpadà franceinfo
Pour la même raison, "il est hors de question que nos salariés cumulent un temps de travail en dépassement, met-elle en avant. C’est le chien qui se mord la queue. Il faut qu’on trouve une solution". Et ces aides-soignants autoentrepreneurs font partie de la solution. C'est ce qu'ils mettent en avant pour réclamer au gouvernement ce statut d'indépendant en toute légalité.
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