Désastre ou opportunité ? Un mois après, regards croisés sur le Brexit en Angleterre et en France
Il y a juste un mois, le 1er janvier, le Royaume-Uni quittait l’Union européenne. Pas de révolution mais déjà quelques conséquences visibles. Témoignages recueillis dans la région de Manchester et à Cherbourg.
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 1er janvier dernier, n'a pas entraîné de secousses majeures, grâce à l'accord commercial conclu la veille de Noël. Mais le Brexit a de multiples conséquences, souvent fâcheuses. De nouvelles formalités ont fait leur apparition pour les entreprises commerçant avec les pays de l'Union, les délais d'acheminement sont accrus et le transport de marchandises est plus compliqué.
Côté britannique : "un désastre"
Impact clairement négatif pour la Cheshire Cheese Company, une société basée au sud de Manchester qui, comme son nom l'indique, vend du fromage. Elle réalise 20% de son activité par correspondance : l’envoi direct à des clients européens après commande sur le site. À chaque fois, cela représente 30 euros en moyenne.
Au début de l’année, ces envois habituels vers l’Europe reviennent à l’expéditeur. Nouvelles tentatives, nouveaux retours. Incompréhension. La firme contacte les sociétés de livraison, le ministère, des députés. Elle finit par apprendre que chaque colis doit désormais recevoir un certificat sanitaire, coût unitaire : 200 euros.
C’est super pour l’économie française et un désastre pour l’économie britannique.
Simon Spurrell, chef d'entreprise au Royaume-Unià franceinfo
Pour la Cheshire Cheese Company, c'est un coup dur, au moment où Simon Spurell, le directeur général, voulait embaucher 25 personnes et investir plus d’un million d’euros : "En fait, je me demande si je ne ferais pas mieux d’investir cet argent en France. Parce que c’est le pays le plus proche et je pourrais effectuer mes expéditions à coûts réduits vers les 26 pays du marché européen. Ceux dont j’ai perdu l’accès."
Simon Spurell n’a jamais été favorable au Brexit, il l’est évidemment encore moins aujourd’hui. Et il n'est pas le seul : depuis le 1er janvier, au Royaume-Uni, on relève surtout les points négatifs.
Formalités accrues et mal connues
Le principal point noir, c’est "la paperasse", les formulaires administratifs : il y en a plus qu’avant, et tout le monde ne sait pas toujours comment cela fonctionne, y compris parmi les autorités.
Cela se traduit essentiellement dans les zones portuaires. Avec des camions qui patientent, trop longtemps parfois, abîmant des marchandises périssables. Le poisson par exemple : les pêcheurs ne décolèrent pas. Les lenteurs et les retards, ça ne se marie pas bien avec le poisson et les fruits de mer. Des tonnes de marchandise ont été perdues.
Certains fonctionnaires n’hésitent pas à dire à des petits patrons que le plus simple, c’est de créer une structure en Europe. Ce n’était évidemment pas du tout l’esprit du Brexit selon ses défenseurs, à commencer par le gouvernement actuel.
Côté français : l'occasion fait le larron
Depuis le Brexit, le port de Cherbourg, à la pointe du Cotentin, connaît un regain de vigueur : trois fois plus de camions qu’avant. Plus de 8 000 en un mois, qui viennent directement d’Irlande. Jusqu’ici, le moyen le moins cher et le plus rapide de faire passer un camion d’Irlande en France, c’était de passer par l’Angleterre. Cette route porte un nom : le Landsbridge. Mais le trafic est ralenti en Grande-Bretagne du fait des formalités douanières et sanitaires.
Les Irlandais ont vite trouvé la parade, au bénéfice des Normands, explique Dominique Louzeau, de la Chambre de commerce de Cherbourg-Cotentin : "Je me mets à la place des exportateurs irlandais : pourquoi sortir de l’UE, transiter par le Landsbridge et rejoindre la France ? Il vaut mieux passer directement par des lignes maritimes qui leur permettent, sans quitter l'Union européenne, de transporter vers les pays du nord de l'Europe."
Je pense que les exportateurs britanniques n’ont pas suffisamment anticipé les formalités douanières pour exporter.
Dominique Louzeauà franceinfo
Les liaisons maritimes France-Irlande ont doublé à Cherbourg, et d’autres ports de la Manche, comme Roscoff, Le Havre ou Dunkerque se préparent à suivre le mouvement.
Droits de douane
Le Brexit ne change rien aux taxes douanières et pourtant, certains se retrouvent à payer des notes salées. C’est parfois le cas pour les achats en ligne : si le produit n’est pas d’origine anglaise et que sa valeur dépasse les 150 euros, vous devrez payer des droits de douane. Il y a également les frais retenus par les transporteurs, comme La Poste, Fedex, et autres, qui font grimper la note.
Certaines entreprises sont aussi taxées en vertu de la règle des garanties d’origine. Bref : avec le Brexit, mieux vaut ne pas oublier de lire les petites lignes !
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