Élections américaines 2024 : la crainte d'une "dictature" si Donald Trump redevient président des États-Unis
Et si l'Amérique vivait sa dernière année en démocratie ? La question peut sembler incongrue, mais elle est pourtant posée en filigrane par de plus en plus d'observateurs aux États-Unis. Les Américains élisent leur président dans 11 mois. Avec, si on en croit les sondages, un duel qui pourrait être celui de 2020 : Joe Biden contre Donald Trump.
L'ancien président républicain multiplie les allusions à un possible second mandat encore plus extrême que le premier. On entend même parler de "dictature". Le politologue néoconservateur Robert Kagan est l'un des premiers à avoir envisagé ce scénario catastrophe. Il a quitté le parti républicain en 2016 pour soutenir Hillary Clinton à cause du " fascisme" de Donald Trump, disait-il à l'époque.
"J'ai dit que je voulais être un dictateur... pour un jour"
Cette fois, il met en garde dans une tribune publiée par le Washington Post , fin novembre 2023 : il faut "regarder la vérité en face", écrit-il, avant de décrire, en détails, ce que Donald Trump ferait s'il était réélu : persécution de ses adversaires politiques, purge de l'appareil d'État et avec, si besoin, l'aide de l'armée pour écraser toute contestation.
Un tableau très noir, et l'intéressé ne dément pas vraiment. Le journaliste Peter Baker qui couvre la Maison Blanche pour le New York Times et qui a suivi cinq présidents depuis Bill Clinton le décrit clairement comme un possible dictateur s'il revenait dans le bureau ovale. Donald Trump lui a répondu lors d'un meeting de campagne : "Baker dit dans le New York Times que je veux être un dictateur. Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que je voulais être un dictateur... pour un jour."
"Et vous savez pourquoi je veux être un dictateur ? Parce que je veux un mur ! Et je veux forer, forer, forer !"
Donald Trump,Lors d'un gala républicain à New York
Une allusion au mur promis à la frontière mexicaine, et à la reprise de forages pétroliers sur le sol américain. Autre exemple, dans ce discours devant ses partisans le 11 novembre : "En ce jour des vétérans, nous vous promettons d'éradiquer les communistes, les marxistes, les fascistes. Et les voyous de la gauche radicale qui vivent comme de la vermine dans notre pays." Le mot " vermine" a fait réagir jusqu'à la Maison Blanche. Joe Biden y voit un terme qui renvoie au nazisme.
"Une sorte de marche, comme un somnambule, vers la dictature"
Les mots sont là, mais est-ce qu'il y a vraiment des raisons de s'inquiéter ? Il y a sûrement beaucoup de fantasmes, mais en tout cas on a des indices précis de ce que pourrait être une administration Trump 2. Et notamment dans ce qu'il a déjà dévoilé de son programme : arrêt de ce qu'il appelle "l'invasion" à la frontière mexicaine, des droits de douane jusqu'à 10 % sur la plupart des produits étrangers, une réévaluation de la mission de l'Otan, avec peut-être une sortie ou encore prise de contrôle de la capitale Washington, qu'il désigne comme un "piège mortel truffé de criminels".
Un "Trump 2" serait encore plus dangereux que "Trump 1", estime Liz Cheney, l'ennemie jurée de l'ancien président américain, fille de l'ancien vice-président de George Bush, et surtout l'une des deux élus du parti républicain qui siégeaient à la commission d'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole. Elle vient de sortir un livre dans lequel elle promet de tout faire pour empêcher Donald Trump de revenir au pouvoir parce qu'il ne se soumettra pas aux décisions de justice, d'après elle.
"Il nous a dit ce qu'il allait faire, explique-t-elle sur ABC. Il est très facile de voir les mesures qu'il va prendre. On assiste à une sorte de marche, comme un somnambule, vers la dictature aux États-Unis." Liz Cheney dit même qu'elle réfléchit à se présenter à la présidentielle pour le contrer.
Des "réflexes autoritaires"
Plusieurs médias sont d'accord avec son constat. Comme le New York Times, qui s'inquiétait récemment dans son éditorial des "réflexes autoritaires de Trump désormais face à des contre-pouvoirs affaiblis", par rapport à 2020 ou comme le magazine The Atlantic, qui consacre tout son numéro de janvier février 2024 à la perspective qu'il titre : "Si Trump gagne".
The next Trump presidency will be worse.
— The Atlantic (@TheAtlantic) December 4, 2023
For our January/February 2024 issue, @TheAtlantic is closely examining Donald Trump’s 2024 bid for reelection, and the potential ramifications of a second term: https://t.co/8lSX9cjZg6 pic.twitter.com/F0qXTREI2M
Le mensuel détaille le programme du milliardaire et prévient qu'il pourrait détruire les institutions. "Contrairement à d'autres politiciens qui, lorsqu'ils disent quelque chose de scandaleux, reviennent sur leurs propos, lui va plus loin, explique Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de The Atlantic sur CNN. Et maintenant, il embrasse l'idée qu'il va devenir un dictateur."
"Les citoyens américains qui prennent les politiciens et la politique au sérieux doivent prendre en considération le fait que le candidat présumé de l'un des deux grands partis promet de gouverner en dictateur."
Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de "The Atlantic"sur CNN
Dictature et chaos ou pas... Début de réponse le 5 novembre 2024. D'ici là Trump a d'autres échéances avec quatre procès au pénal, avec potentiellement des peines de prison. L'ancien président promet déjà de se venger s'il est réélu et de s'en prendre notamment à tous ceux qui sont responsables au Département de la Justice de ce qu'il appelle une "chasse aux sorcières" contre lui.
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