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Festival de Cannes : les entrées dans les salles de cinéma au plus bas, les professionnels font état d'une "crise profonde"

Le lancement de la 75e édition du festival de Cannes a lieu dans un contexte de forte baisse des entrées dans les salles du cinéma français. Au mois de mars, les entrées n'ont jamais été aussi peu nombreuses depuis 23 ans.

Article rédigé par franceinfo, Matteu Maestracci
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La Fête du cinéma revient et compte attirer à nouveau le public dans les salles obscures (FREDERIC DUGIT / MAXPPP)

Les chiffres n'ont plus été aussi mauvais depuis plus de vingt ans. En mars dernier, le cinéma français a compté 13 millions d'entrées dans ses salles. Ce n'était plus arrivé depuis 1999, avec des films qui rencontrent des scores trois, cinq, voire dix fois moins importants que prévu.

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À l'heure de l'ouverture de la 75e édition du festival de Cannes, qui s'ouvre mardi 17 mai, le cinéma français vit une période tourmentée. "On perd à peu près entre 40% et 50% de nos entrées, en tout cas pour le cinéma d'auteur", se désole Alexandra Henochsberg, qui dirige la société de distrubtion Ad Vitam.

Alexandra Henoschsberg, directrice de la société AD Vitam.  (MATTEU MAESTRACCI / FRANCEINFO)
Avec des conséquences fortes pour les distributeurs : "La difficulté pour nous, c'est que ce sont des films que nous avons achetés sur des références anciennes, comme 2018 et 2019, où nous faisions 220 millions d'entrées par an. Notre économie de distributeur n'est plus adaptée au marché d'aujourd'hui et nous sommes extrêmement fragilisés."

Conséquence du Covid-19 ? 

Si les films d'auteur sont ceux qui souffrent le plus du contexte, les autres sont aussi concernés. Si l'on prend l'exemple du film Notre-Dame brûle de Jean-Jacques Annaud : un coût de 30 millions d'euros, une sortie sur 700 copies, une grosse promotion, et à l’arrivée un peu moins de 800 000 entrées, bien loin de ce qui avait été espéré.

 

Ces gens qui ne retournent pas au cinéma sont surtout des personnes âgées de 50 à 70 ans et un public considéré comme cinéphile, qui avait l’habitude de venir trois ou quatre fois par mois dans les salles. Sans surprise, selon le directeur de la société de distribution Le Pacte Jean Labadie, la fermeture historique des salles pendant 8 mois, durant la crise sanitaire, puis la réouverture progressive sous conditions, a causé cette moindre fréquentation 

: "À

 chaque fois que c'était possible, le gouvernement a dit que les salles étaient des lieux de contaminations", se rappelle-t-il.

"Le pass sanitaire a été applicable dans les salles le 21 juillet, tandis qu'il a été applicable dans les restaurants et cafés cinq semaines plus tard. Ce qui est aberrant car dans les salles de cinéma, on est assis et on ne parle pas, avec moins de risque de contaminer les autres."

Prix du billet et concurrence des plateformes 

La question du prix du ticket de cinéma est aussi souvent mise en avant. Il est d'environ 15 euros dans certains multiplexes, quand pour le même tarif une plateforme en ligne, comme Netflix, Amazon Prime ou Disney +, propose un catalogue presque illimité.

 

En tous cas, les abonnements ont grimpé pendant les confinements. Selon une étude dévoilée lundi 16 mai et commandée par l’AFCAE, l’association des cinémas d’art et d’essai, 29% des personnes interrogées disent "aller moins souvent au cinéma", 12% "plus du tout" depuis qu’elles sont abonnées à une plateforme. Si en France, elles doivent désormais participer au financement des œuvres audiovisuelles, le patron de la société Pathé, Jérôme Seydoux, 87 ans, dans une tribune au journal Le Figaro il y a quelques jours, affirmait que le cinéma français devait davantage travailler en amont avec les dites plateformes et réduire, comme aux États-Unis, le délai entre la sortie en salles et en ligne. 

Manuel Chiche est lui aussi producteur et distributeur, patron de la société Jokers, dont les films récents n'ont pas bien marché : "

C'est assez marrant que ce soit le patron de Pathé qui fasse la leçon à l'ensemble du cinéma français, mais il a raison", estime-t-il. Aujourd'hui, il faut évidemment vivre avec l'ensemble des canaux de diffusion des films."

"J'ai envie que mes enfants voient un film là où ils ont envie de le voir. Si nous avons été incapables de leur donner envie de le voir dans une salle de cinéma, je serais ravi qu'ils le voient sur une plateforme."

Manuel Chiche, producteur et distributeur

à franceinfo

De plus, ce qu’on appelle la "deuxième vie" des films, après l’exploitation en salles, comme la VOD, DVD ou diffusion à la télévision, ne rapporte désormais presque plus rien. Les ventes de DVD ont chuté de près de 80% en dix ans.

 

Comment le cinéma français peut se sortir de cette situation ?

 

Est-ce qu’il peut encore se permettre de produire plus de 300 films par an comme en 2021 ? Est-ce que le modèle de financement actuel a vécu ?

 

Alexandra Henochsberg n'est pas forcément optimiste pour la suite

 : "

Pendant longtemps, on s'est dit qu'il y avait le Covid, puis les masques, puis la guerre en Ukraine... En réalité, non, on vit une crise et on est actuellement dans une crise du cinéma qui est profonde."

La distributrice espère un sursaut du secteur : "Tout le monde est très optimiste en se disant que les gens vont retourner au cinéma. Mais comment se rendre attractif à nouveau ? Que proposer au public ? Qu'est-ce qui va ramener les gens en salle ? Je pense qu'il faut qu'on soit tous très unis face à cette crise."

Depuis le début de l’année 2022, seulement quatre films français ont dépassé le million d’entrées : trois comédies populaires (Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon dieu, Maison de retraite et Super-héros malgré lui) et En Corps le nouveau film de Cédric Klapisch.

 

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