Football : entre crise des droits télé et épidémie de Covid-19, les difficultés d'un petit club professionnel, le Pau FC
Avec la pandémie de coronavirus, plus le fiasco Mediapro, certains clubs de football français sont au bord du gouffre financier. C'est le cas de Pau, le plus petit club de Ligue 2.
L'avenir s'assombrit pour de nombreux clubs de football français. Malmenés par une année de crise sanitaire liée au Covid-19 et des stades vides, ils sont encore plus en difficulté depuis l'échec de l'accord entre le groupe Mediapro et la Ligue de football professionnel (LFP). La société hispano-chinoise n'a pas été en mesure de payer 1,2 milliard d'euros pour les droits de diffusion des matches à la télévision, finalement rachetés 700 millions d'euros par Canal+.
Un mariage raté, qui a provoqué de grosses difficultés financières chez certains clubs professionnels, comme le Pau football club, le plus petit club de Ligue 2, avec six millions et demi d'euros de budget. Depuis plusieurs mois, le vice-président du club béarnais se creuse la tête dans son bureau pour trouver des solutions. "On passe des heures à réfléchir sur une situation particulière, raconte Joël Lopez. On travaille beaucoup sur les chiffres, puisqu’il nous faut trouver des solutions pour boucler le budget sur lequel on s’était engagé. Les droits télé représentent 65%. On est en difficulté sur tous les postes."
Maintenant, il nous reste à chercher des solutions pour limiter la casse.
Joël Lopez, vice-président du Pau football clubà franceinfo
Les derniers calculs indiquent qu'il faudra sans doute réduire le budget prévisionnel de 40%. Pour s'en sortir avec des millions d'euros en moins, le président du Pau football club cherche des solutions auprès de ses pairs. Lors d'une réunion en visio avec les présidents des autres clubs, il a eu quelques bonnes nouvelles. "Nous, petit club, sans avoir de centre de formation ni d’ancienneté et de notoriété, on touchait 4,4 millions d’euros, détaille Bernard Laporte-Fray, le président du club béarnais. Le premier arrivait environ à 10 millions, donc vous voyez à peu près la différence. Cette solidarité permet demain de remettre un peu tout à plat et de rehausser le critère de base, tout en diminuant les trois autres critères."
"Cela limite la casse", poursuit Bernard Laporte-Fray, qui envisage un budget non pas à "6,5 millions d'euros, parce qu'on se garde toujours une petite poire pour la soif, mais à 6 millions d'euros et on va devoir travailler avec 5", explique-t-il. Concernant les anciens dirigeants de la LFP qui ont négocié avec Mediapro, il reconnaît leur en vouloir un peu. "Il est vrai que je trouve ça un peu léger pour des gens avec les salaires qui étaient les leurs, les responsabilités qui étaient les leurs, qu’on n’ait pas pris des garanties nécessaires par rapport à Mediapro", concède le président du club de Pau.
Pour le Pau football club, c'est donc 1,1 million d'euros de droits télé en moins, 400 000 euros de billetterie en moins, 100 000 euros en moins avec les partenaires. Au total, deux millions d'euros en moins, alors que les frais fixes sont toujours les mêmes.
Pas de baisse de salaire envisagée
Parmi ces frais, il y a la masse salariale, dont le salaire des joueurs qui peut peser jusqu'à 70% des charges d'un club. Il se négocie avec chaque joueur, chaque agent. Pour alléger le budget en pleine crise, certains clubs, comme Bordeaux et Reims, ont négocié avec les joueurs et leur agent pour faire baisser leur salaire. Ce n'est pas le cas à Pau, où les salaires vont de 3 000 à 10 000 euros par mois, loin des trois millions mensuels que gagne Neymar. Mais le capitaine palois admet qu'il pourrait y consentir.
Si c’est pour aider le club, pour aider les salariés du club, pourquoi pas.
Anthony Scaramozzino, capitaine du Pau foot clubà franceinfo
"Cela ne nous a pas été proposé, on n’en a pas discuté avec nous", explique Anthony Scaramozzino, 35 ans, dont 17 passés comme professionnel. "Personnellement, ça ne m’a jamais traversé l’esprit pour l’instant de vouloir baisser mon salaire. Après, si le club a besoin de faire un effort financier, à hauteur de nos salaires justement, pourquoi pas. Si ça permet qu’il n’y ait pas de remerciement, comme j’ai pu connaître à Lens quand le club est descendu de Ligue 1 en Ligue 2, ou à Laval au passage de la Ligue 2 en National, où on remercie les gens parce qu’on est obligé de serrer le budget, ça ne me dérangerai pas, personnellement."
Les collectivités locales ont déjà annoncé qu'elles ne pourront pas aider le club. La mairie a déjà dépensé 6,5 millions d’euros pour agrandir et mettre aux normes le stade du Hameau. "Les collectivités locales ont aujourd’hui des budgets qui sont contraints, restreints, indique Éric Saubatte, adjoint aux sports de la ville. Il faut que les principaux acteurs, c’est-à-dire l’État, mais aussi les fédérations et la ligue, prennent leurs responsabilités pour venir en aide aux clubs amateurs et aux clubs professionnels."
"La mésaventure qui est arrivée avec l’affaire Mediapro, c’est une catastrophe, estime Éric Saubatte. À un moment donné, il faut que les gens se remettent en question pour, à la fois, corriger le tir et éviter de repartir dans un gouffre pareil. Le maire François Bayrou est très attaché à ce club, tout comme il est attaché aux autres clubs de Pau. Si on doit intervenir, je pense que l’on fera le nécessaire, mais on le fera dans les conditions financières qui sont extrêmement limitées, restreintes et contrôlées." L’avenir du Pau FC est aujourd'hui menacé. C’est le cas d’un tiers des clubs à court ou moyen terme, selon l’économiste du sport Pierre Rondeau, auteur du livre Le football va-t-il exploser ?.
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