"J'irai voter, c'est sûr, mais pour qui ?" : trois semaines avant la présidentielle, les indécis plus nombreux que jamais
Alors que se profile le premier tour de l'élection présidentielle, plus d'un tiers des personnes qui comptent se rendre aux urnes n'aurait pas encore arrêté leur choix, d'après un baromètre Ipsos-Sopra-Steria publié le 18 mars.
À moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les électeurs indécis semblent encore plus nombreux qu’à la veille des scrutins précédents. Ainsi, selon un baromètre Ipsos-Sopra-Stéria publié le 18 mars, et réalisé pour la Fondation Jean-Jaurès , le journal Le Monde et Sciences Po, 37% des personnes qui comptent se rendre aux urnes n'auraient pas encore décidé pour lequel des douze candidats en lice ils allaient donner leur voix. Soit plus d’un tiers.
>> Les programmes des candidats pour la présidentielle 2022
Pour trouver ces "indécis", il suffit de suivre des militants qui tractent sur un marché à Metz. Le tract de Fabien Roussel atterrit dans les mains de Jérémy, qui le regarde sans conviction : "J'irai voter ça, c'est sûr, parce qu'il y des gens qui se sont battus pour ça, indique-t-il. Mais pour qui ? Je ne sais pas vraiment. Et si vraiment je dois être honnête, là tout de suite, ce serait sûrement blanc."
"Quand on a 18-20 ans, on vote aussi par rapport à ce que nos parents vont voter. Maintenant, j'en ai 38. C'est à dire l'âge de choisir... et j'ai du mal à choisir !"
Jérémyà franceinfo
Un peu plus loin, Victoire, qui suit la campagne pour l’élection présidentielle à la radio, s'agace face à la dispersion des candidats. "Ce matin, j'écoutais Poutou, explique Victoire. Et j'ai bien écouté ce que proposait Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon. Donc voilà, mon cœur balance et je ne sais pas trop, tout en sachant très bien que ces gens-là n'ont aucune chance d'être élus..." Elle attend de recevoir les professions de foi par courrier pour arbitrer.
"Ce sera Mélenchon ou Le Pen !"
Olivier, lui, hésite à se confier : il a coupé depuis longtemps sa radio pour ne plus entendre parler de la guerre en Ukraine et du gouvernement. Aussi, le voilà quelque part entre la gauche et la droite : "Je vais faire un choix entre deux personnes, mais pas le gouvernement actuel, glisse-t-il. Ce sera Mélenchon ou Le Pen. Ce n'est pas tout à fait le même côté, mais on va voir la suite. Je m'intéresse aux propositions pour les plus pauvres, pour nos anciens surtout. Et puis les retraites : il faut qu'on arrête d'augmenter ! 65 ans, 70 ans... Et pourquoi pas la supprimer, carrément ?"
Les mesures économiques et sociales sont, elles, un critère important pour Bernard, qui a été membre du RPR, de l'UMP puis des Républicains. Pourtant, aujourd'hui, il n'est pas sûr de voter pour Valérie Pécresse.
"On sait plus trop où on en est : une autre candidate prêche la même chose que le président actuel, soupire-t-il. Et elle ne m'a pas convaincu du tout. J'ai même regardé après en replay Zemmour sur YouTube. J'écoute tout le monde !" Et il invite les autres à en faire autant : aujourd'hui, tous les meetings peuvent être suivis sur Internet, et tous les programmes sont disponibles en ligne, rappelle-t-il.
L’électorat est moins figé que d'habitude
L’indécision a gagné ce marché de Metz. Ce phénomène est-il cependant vraiment plus répandu qu’avant ? Selon "l'enquête présidentielle" d'Ipsos-Sopra-Steria, un sondage qui interroge un vaste échantillon de 15 000 électeurs tout au long de la campagne, on constate que les intentions de vote se précisent au fur et à mesure des mois.
L’électorat est moins figé que d'habitude, explique ainsi Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos : "Parmi les électeurs qui sont certains d'aller voter, il y en a presque quatre sur dix qui nous disent que leur choix de candidat peut encore changer, détaille-t-il. C'est un petit peu plus que ce qu'on mesurait il y a exactement cinq ans, où l'on avait 36%."
"Cette indécision est particulièrement forte pour Valérie Pécresse. Et c'est vrai aussi pour les électeurs des petits candidats de gauche comme Fabien Roussel, Yannick Jadot, Anne Hidalgo."
Mathieu Gallardà franceinfo
Et puis, il y a le phénomène des "changeurs" : 10% des électeurs qui étaient sûrs d'aller voter pour un candidat bien identifié il y a un mois, mais qui ont finalement changé de favori et qui pourraient bien de nouveau basculer. Une "volatilité" plus importante que d'habitude. "Cela montre à quel point les jeux ne sont pas faits, conclut Mathieu Gallard. Des surprises sont encore potentiellement possibles dans les trois semaines à venir." Une surprise pour le casting du second tour ? C'est au moins ce que veulent croire, notamment, les militants d’Éric Zemmour, qui parlent d'un "vote caché" qui ne serait pas détecté par les sondeurs.
Des comparateurs pour aider les indécis
Pour aider les électeurs indécis, il existe des comparateurs de programme mais aussi des outils interactifs et ludiques, comme l'application "Elize", téléchargée 500 000 fois. Celui qui semble le plus précis est "La Boussole présidentielle", élaborée par des politologues du Cevipof, à Sciences Po, et qui a rassemblé plus de 100 000 utilisateurs depuis son lancement il y a une semaine.
Un succès que tente d'analyser Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et enseignant à Sciences Po : "Après la série de crises que la France a traversées, comme les gilets jaunes, le Covid, la guerre en Ukraine, il y a un sentiment à la fois de confusion, presque d'impasse chez beaucoup d'électeurs. On peut expliquer par là le succès que rencontre notre outil : comme si une partie des électeurs un peu perdus avait presque besoin qu'on leur dise de quels candidats ils sont les plus proches." Après avoir répondu à une bonne vingtaine de questions, l’algorithme vous situe géographiquement sur un graphique de valeurs, d'où son nom : "la Boussole", pour tenter de retrouver le Nord.
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