Le vent de la contestation souffle sur l'éolien dans la Somme : "Où que vous vous tourniez, il y en a partout !"
La semaine dernière, les pêcheurs de Saint-Brieuc ont manifesté contre la construction d’un champ d’éoliennes en mer. Mais la fronde s'organise aussi sur terre, dans la Somme notamment, qui abrite plus d’un dixième du parc éolien français.
Près des deux tiers des projets d’implantation d'éoliennes sont aujourd’hui contestés devant la justice administrative. Cette fronde est particulièrement forte dans le nord de la France. Dans la Somme, en Picardie, le développement des éoliennes alimente aujourd’hui un phénomène de rejet. Cela saute aux yeux quand vous arrivez à Montagne-Fayel, un village de moins de 200 habitants, à 20 minutes d’Amiens. Il symbolise l’excès dans l’implantation des parcs éoliens.
Julie Sandri, habitante de la commune et dirigeante de l’association "SOS de nos campagnes 80", fait la visite guidée : "Là, il y a déjà un parc qui compte entre 20 et 30 éoliennes. Dans le prolongement, il y aura 12 éoliennes supplémentaires, qui ont été autorisées. Encore un peu plus à droite, six éoliennes autorisées de plus ; derrière moi, six en plus. Et juste à côté, un autre promoteur est en train de prospecter pour un nouveau parc... Où que vous vous tourniez, il y en a partout !"
Si on compte les derniers projets en cours, 1 005 éoliennes sont implantées dans le département de la Somme. C’est plus d’un dixième du parc français. Le secteur est à saturation et c'est même devenu un sujet politique. Il y a un peu plus de 15 jours, la majorité au Conseil général a fait adopter un vœu pour demander un moratoire. Près de 180 nouveaux projets d’implantation sont en cours d’instruction dans la Somme.
"C'était attrayant"
Ce qui explique ce développement visiblement excessif, c’est d’abord la géographie : il y a de l’espace et du vent. Ensuite, l’éolien représente une rentrée d’argent pour les municipalités, via une taxe redistribuée par les communautés de communes. Didier Van Moorleghem, éleveur dans le corridor des éoliennes le long de l’autoroute A29, a participé aux premières implantations quand il était maire au début des années 2000. Il habite à 600 mètres des premières machines. Il se sent un peu piégé, alors qu’il a milité au départ pour leur installation : "Mon budget à l'époque, il était de 20 000 ou 25 000 euros. Donc forcément, c'était attrayant et je me suis battu pour essayer de partager la galette avec tout le monde. Mais aujourd'hui, je suis partagé : j'y suis favorable pour la commune, mais pour moi je suis contre."
On peut aller voir n'importe qui dans la commune, il va dire : 'Les éoliennes, moi ça me gêne'.
Didier Van Moorleghem, éleveur dans la Sommeà franceinfo
Le développement des éoliennes en France est un objectif stratégique pour la transition énergétique. Le gouvernement a fixé un cap dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Autour de 6 000 mâts doivent encore sortir de terre d’ici 2028. La puissance installée devrait théoriquement passer de 17 à 24 gigawatts d’ici deux ans.
Mais un doute existe aujourd’hui sur la capacité à suivre cette trajectoire. Les opérateurs considèrent qu’il y a un frein à leur développement. Une grande partie du territoire est aujourd’hui inaccessible. Michel Gioria est délégué général de France énergie éolienne, le syndicat des opérateurs : "Il faut que les 47% du territoire qui sont aujourd'hui fermés à l'éolien puissent être progressivement ouverts, pour un développement plus harmonieux sur l'ensemble du territoire. Il faut ramener une partie du développement du nord et de la région Grand Est vers le sud et vers l'ouest : la Bretagne, les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine."
Le visage de la contestation
Au final, c’est le préfet qui donne l’autorisation. Il n’existe plus de schémas d’aménagement pour prévenir l’effet de saturation. Les recours sont nombreux. France énergie éolienne estime que 65% des autorisations sont contestées. Christophe Grizard, de la Fédération environnement durable, qui rassemble les opposants, a 11 éoliennes devant sa baie vitrée. Il estime que les habitants sont les oubliés de cette transition énergétique. "On met en place des outils de concertation, on nous dit 'Ne vous inquiétez pas, on va vous demander votre avis', et on n'en tient absolument pas compte, regrette-t-il. Donc il y a aussi un problème de déni de démocratie."
Aujourd'hui on a l'impression, clairement, qu'on se moque de nous.
Christophe Grizard, de la Fédération environnement durableà franceinfo
Le problème a déjà été identifié par le gouvernement. En décembre dernier, le Conseil de défense écologique a promis un mécanisme pour prévenir les effets de saturation. Les premières générations de parc sont aujourd’hui modifiées : les nouvelles machines sont plus performantes, mais aussi plus grandes. Dans certains secteurs, les mâts passent de 140 mètres à 180 mètres. La distance minimale d’installation est de 500 mètres.
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