Les transports en commun gratuits, vrai succès ou fausse bonne idée ?

La gratuité des transports en commun séduit de plus en plus les municipalités, mais la mesure est-elle applicable partout ? Eléments de réponse à Niort où, depuis 2017, les habitants de l'agglomération ne payent plus le bus.
Article rédigé par franceinfo - Luc Chemla
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Depuis 2017, les bus sont gratuits à Niort. (LUC CHEMLA / RADIO FRANCE)

Une petite révolution a lieu à partir de jeudi 21 décembre à Montpellier. Les 500 000 habitants de la métropole ne vont désormais plus payer les transports publics, tramway et bus, car ils deviennent gratuits. Dans certaines agglomérations du pays, cette mesure est déjà en place : à Niort (Deux-Sèvres), depuis 2017 les 120 000 habitants de l'agglomération (40 communes) n'ont plus besoin de payer le bus. Pour les passagers, le bilan est très positif et ce n'est pas qu'un ressenti. Il y a beaucoup plus de monde dans les bus de l'agglomération.

"Un vrai succès" à Niort

"C'est incroyable", "C'est nickel pour moi"… Tous les usagers rencontrés à Niort sont dithyrambiques. Il faut dire que la gratuité des transports permet évidemment de faire des économies. Muriel par exemple a fait le calcul : elle économise "360 euros à l'année". Dans la période actuelle, c'est indispensable, confie Béatrice, une Niortaise de 56 ans aide à domicile : "S'il y avait ça en plus à payer ce serait vraiment compliqué. J'en parlais avec mon conjoint, si je payais le bus je ne sais pas comment je pourrais faire." 
Elle y a quand même réfléchi : elle se serait adaptée. "J'aurais investi dans un vélo et je prendrais beaucoup moins le bus, explique Béatrice. Pour les sorties, on limiterait davantage et on calculerait par rapport au transport."

Avec la gratuité, tout le monde est content mais Jean-François, Niortais depuis 15 ans, déplore quand même un point négatif : il y a beaucoup plus de monde qu'avant. "Il y a des gens qui ne prenaient jamais le bus et maintenant que c'est gratuit, ils le prennent. Des fois, tu n'as pas de place pour t'asseoir", regrette-t-il.

La mesure profite au 120 000 habitants de l'agglomération niortaise qui réunit 40 communes. Ils n'ont plus besoin de payer le bus depuis 2017. (LUC CHEMLA / RADIO FRANCE)

"La billetterie ne rapportait que 10%"

De son côté, l'opérateur Transdev assure que l'offre a augmenté pour justement s'adapter. Dans l'agglomération de Niort, on constate une augmentation de presque 50% du nombre d'usagers depuis la mise en place de la gratuité en 2017 soit 2,2 millions de personnes en plus par an. Il y a "85% des nouveaux usagers de nos bus étaient auparavant des automobilistes, affirme Jérôme Baloge, maire de Niort et président de l'agglomération. Ce sont les enquêtes qui nous le montrent au fil des années et qui nous le confirme. Ça signifie qu'il y a eu un report modal ou parfois un arbitrage, donc c'est un vrai succès."

Selon lui, l'objectif de remplir les bus est accompli et l'impact est limité financièrement. "On a un modèle économique qui finance le bus, ça ne nous a pas davantage coûté qu'hier, explique-t-il. Tout simplement parce que les recettes de billetteries ne rapportaient que 10%. Et tout ça a été fait sans augmentation des impôts."

Enfin Jérôme Baloge met en avant un gros avantage : "Aujourd'hui, c'est devenu un sujet d'attractivité pour Niort. Les gens en parlent, ça donne envie. C'est souvent un article de promotion." À l'avenir, l'agglomération souhaite passer de 6,7 millions de passagers par an comme aujourd'hui à plus de 8 millions. Pour y arriver, Transdev précise que l'offre sera augmentée de 25% en périphérie. 

Une mesure applicable partout ?

Une quarantaine de villes sont donc déjà passées à la gratuité des transports en France, avant Montpellier, mais cela semble quand même plus facile dans une ville moyenne où il est possible à la fois d'absorber un surcroît de passagers et où les recettes des ventes de tickets sont à peu près équivalentes au coût que représentent les salaires des contrôleurs. C'est sans doute plus risqué à l'échelle d'une grande agglomération, analyse Nicolas Louvet, directeur du bureau de recherche 6T qui conseille des collectivités sur les questions de mobilité :  "Si vous êtes dans un contexte d'une agglomération où l'offre de transports collectifs est très utilisée et ponctuellement saturé, si vous faites rentrer plus de monde dedans il va falloir améliorer l'offre. Et si vous n'avez plus l'argent des tickets, où vous trouvez l'argent pour le faire ? C'est compliqué."

Un argument récurrent des opposants à la mesure parmi lesquels l'Union des Transports Publics (UTP), qui regroupe les exploitants de 170 réseaux de bus en France et la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), la principale fédération d'usagers. Ils plaident en faveur de tarifs réduits pour les populations les plus modestes, plutôt que de se priver complètement de recettes.

Un "choc d'offre" comme autre solution 

Mais, au-delà de la question sociale, la gratuité contribue-t-elle à réduire la place de la voiture en ville ? Aucune étude ne permet vraiment de le mesurer. Selon les experts, ce sont plutôt des piétons voire des cyclistes qui se reportent vers les transports en commun en cas de gratuité. Selon la dernière enquête de l'UTP publiée en octobre, à peine 23% des utilisateurs réguliers de la voiture citent le prix du ticket comme raison au fait de ne pas prendre plutôt le bus. Ils sont deux fois plus à mettre en avant le temps de trajet ou les contraintes horaires.

La meilleure solution pour lutter contre la voiture, aux yeux de l'UTP et de la Fnaut, est de provoquer un choc d'offre, c'est-à-dire d'augmenter le nombre de bus  et leur fréquence. Cela suppose des investissements parfois importants pour les collectivités. Un choix qu'a privilégié la région Grand Est, précurseur des futurs RER métropolitains fin 2022. En promettant notamment 1 000 trains supplémentaires par semaine autour de Strasbourg avec des fréquences de 15 minutes aux heures de pointe.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.