Lithium, titane, or... L'extension d'une mine d'andalousite en Bretagne relance le débat sur l’exploitation minière en France

L'exploitation de la carrière d'andalousite, un minerai très recherché par l’industrie, divise la commune de Glomel dans les Côtes d'Armor, entre intérêts économiques et défense de l'environnement.
Article rédigé par Guillaume Farriol
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La carrière d'andalousite exploitée par Imerys à Glomel, en Bretagne, en mars 2024. (LIONEL LE SAUX / MAXPPP)

Le lithium, le tungstène ou encore le titane sont indispensables à la production de voitures électriques ou de nombreux composants électroniques. Emmanuel Macron veut relancer la filière minière française, pour produire ces métaux rares ou stratégiques. Mais chaque projet d'extraction se confronte aux oppositions locales des riverains et des associations environnementales.

À Glomel, dans les Côtes d'Armor, en Bretagne, l'extension d'une mine d'Andalousite fait débat et divise la commune, entre enjeux économiques d'un côté et défense de l'environnement de l'autre. La préfecture autorise l'agrandissement du site ; les opposants, eux, saisissent la justice.

Trois fois par semaine à midi précis, c'est le même rituel, une sirène retentit en pleine campagne pour prévenir du "tir de mine", quand on creuse un peu plus profondément pour l'extraction de l'andalousite, minerai très prisé pour sa résistance aux hautes températures. La mine de Glomel s'étend sur plus de 250 hectares. Une montagne noire qui ne cesse de grandir, sous les yeux de Jean-Yves Jégo, du collectif d'opposants "Mine de rien". "C'est une montagne de déchets miniers, ça revient de l'usine. C'est une partie de la roche qui n'est pas exploitable. Effectivement, c'est écrasant, ça progresse tous les jours, on le voit, il y a un tapis roulant qui l'alimente en permanence. On a l'impression d'un ensevelissement qui ne s'arrête jamais. Il y a quelque chose d'inexorable qui fait très peur", explique-t-il.

D’où la pétition, qui a recueilli 6 500 signatures, et le recours en justice contre l’arrêté de la préfecture qui autorise la construction d’une quatrième fosse. Parmi les inquiétudes, un risque, selon les opposants, d’infiltration des déchets miniers dans les sous-sols. 

"On craint des pollutions en profondeur de nos eaux souterraines, avec ces déchets qui génèrent des pollutions minérales."

Jean-Yves Jégo

à franceinfo

"De l'aluminium, par exemple, c'est tout sauf neutre pour l'environnement. Du manganèse, du fer... Donc l'activité de cette société fait peser un très grave risque sur nos ressources en eau", détaille Jean-Yves Jégo.

Le maire défend l'intérêt économique pour sa commune 

Le géant minier Imerys dément : l'eau est traitée, tous les rejets dans l’environnement sont dans les normes, rassure le groupe, qui peut compter sur le soutien du maire de Glomel. Bernard Trubuilt est fier des 67 000 tonnes d'andalousite sorties chaque année de la mine, qui constituent un quart de la production mondiale. "Je pense que c'est un faux problème, dit-il. En même temps, il faut quand même dire que l'extension, ce sont deux hectares en plus, donc ce n'est pas une grosse extension".

"Ça permet de faire vivre la commune et quand même 120 employés."

Bernard Trubuilt, le maire de Glomel

à franceinfo

"Il y a 200 entreprises prestataires de services sur la Bretagne, dont 70 sur le département des Côtes d'Armor", poursuit le maire Bernard Trubuilt. Le maire relativise l'opposition à cette mine. La plupart des Glomélois, à l'en croire, sont habitués à la carrière depuis son ouverture dans les années 70.

Lithium dans l'Allier, or dans le Limousin... les projets se multiplient

Ce type de conflits pourraient se multiplier dans les prochaines années. Emmanuel Macron veut relancer la filière minière pour produire des métaux rares indispensables à la fabrication de composants électriques ou de batteries de voiture, des enjeux de souveraineté pour le chef de l'État. Déjà, des projets se multiplient : une mine de lithium dans l'Allier ou des permis de recherche d'or dans le Limousin.

France Nature Environnement (FNE) promet de se battre. Antoine Gatet, président de cette fédération de 6 000 associations, dénonce un modèle dépassé. "Le lithium, si c'est pour faire des batteries pour des SUV... Les projets de mines d'or, si c'est pour faire des bijoux et des lingots dans les coffres... Est-ce qu'on a besoin de détruire des territoires ?", plaide-t-il.

"On détruit un sol, on traite ce minerai, on le concasse, on le transforme avec des produits chimiques, on laisse des déchets chimiques très importants sur place, argumente le président de FNE. Si on fait une mine, ça veut dire qu'on ne fait pas autre chose et qu'il y a plein d'autres choses qu'on ne peut pas faire pendant très longtemps sur ce territoire".

Des experts plaident pour une extraction propre

Antoine Gatet ne croit pas qu'il soit possible de concilier les enjeux économiques et environnementaux. Selon lui, "la mine propre, c'est un énorme mythe. Pour faire une mine, il faut toujours une industrie et une usine de traitement du minerai, et on génère toujours des millions de tonnes de déchets.

Mais, selon des experts, il serait possible aujourd'hui de creuser des mines plus responsables, et d'en finir avec l'extraction comme au siècle dernier avec le charbon. Les procédés ont changé, les normes environnementales sont passées par là, explique Yann Foucaud, chercheur au laboratoire GeoRessources à l'université de Lorraine.

"L'impact zéro n'existe pas. C'est impossible. Mais beaucoup de gens qui sont opposants à l'industrie extractive se fondent sur des exemples qui ne seraient plus vrais aujourd'hui, si on relançait une exploitation minière".

Yann Foucaud, chercheur à l'université de Lorraine

à franceinfo

"Tout ce qui est la pollution des eaux, la pollution de l'air, la gestion de l'après-mine, tout ça, ce sont des thématiques qui ont évolué. Je pense qu'il est de notre devoir d'informer le grand public sur ces impacts minimes qu'on peut avoir aujourd'hui sur l'environnement", explique Yann Foucaud.

Mais pour l'instant, ce n'est que de la théorie. Il reste à prouver qu'une telle mine peut exister, en intégrant la question environnementale, du tout début du projet jusqu'à la réhabilitation finale du site. Cela n'a jamais été fait en France. Peut-être dans les prochaines années, si de nouvelles mines voient le jour, comme l'espère le chef de l'État.

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