"Mes amis font attention à bien montrer leurs mains" : ces Français qui s'inquiètent du comportement de la police
Après l'affaire du producteur passé à tabac par des policiers à Paris, des Français noirs ou d'origine maghrébine racontent à franceinfo leurs rapports avec la police.
Après l'affaire Michel Zecler, un homme noir passé à tabac par des policiers à Paris le 21 novembre, la question de la confiance ou de la défiance d'une partie de la population vis-à-vis de la police revient à nouveau dans le débat public. C'est notamment le cas pour les Français noirs ou d'origine maghrébine qui multiplient les témoignages de violences ou de racisme de la part des forces de l'ordre.
Des contrôles au faciès quasi quotidiens
"Quand tu es habillé en jogging ou n'importe quelle marque qui fait un peu 'rue', c'est direct un contrôle", racontent deux jeunes rencontrés à l'entrée d'un parc de Saint-Denis, près de Paris. Les contrôles au faciès sont quasi-quotidiens pour eux. "Ca va direct dans les insultes et parfois ça peut même aller plus loin. Une fois, j'étais assis et les policiers débarquent et me matraquent, ils me poussent contre le mur puis me mettent au sol. Ils m'ont même étranglé pourtant je n'avais rien fait mais on m'a tapé."
Tous les contrôles ne se finissent pas aussi mal mais les faits sont là : un jeune homme noir ou arabe a 20 fois plus de risques de se faire contrôler que la moyenne, selon une étude du défenseur des droits de 2017. "Si ça arrive à eux, pourquoi ça ne m'arriverait pas ? s'inquiète Lian, 16 ans. C'est stressant pour moi de traîner dans la rue et de savoir que je peux me faire agresser ou simplement arrêter par un policier pour rien, juste mon teint de peau."
"J'ai peur pour ma fille, c'est une gamine de 16 ans et je vois que ça arrive à n'importe qui."
Nilsaà franceinfo
Pour éviter les contrôles, certains disent qu'ils préfèrent changer de trottoir à la vue de policiers. D'autres, quand ils prennent le volant, embarquent une copine pour paraître moins suspect. Certains amis et les frères de Laura et Clara sont de jeunes hommes noirs ou arabes et ils sont extrêmement prudents, racontent les deux femmes. "Si par exemple mon ami va avoir les mains dans les poches, c'est possible que ça dérape. Ils vont se servir de ça pour dire que peut-être on cache quelque chose de dangereux. Ils font très attention à bien montrer leurs mains et s'ils entendent des propos racistes, ils ne vont pas répondre."
Les deux jeunes femmes assurent aussi entendre souvent des propos racistes : "'sale arabe', 'c'est toujours la faute des arabes', 'toujours les noirs', 'allez travailler'. C'est systématique, alors ça ne nous choque plus."
"Le racisme a toujours existé, la différence c'est qu'aujourd'hui ce racisme est filmé. C'est important que ces images soient véhiculées parce que c'est la seule arme que les gens ont pouvoir se défendre et dire ce qu'est la réalité."
Souleymaneà franceinfo
Selon le sociologue Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des rapports entre police et population, ce sentiment de méfiance que ressent une partie de la population, serait recherché par la police. "Cette idée de faire peur, ce n'est pas une erreur de comportement, c'est bien souvent la stratégie et la tactique des policiers, explique-t-il à franceinfo. C'est un modèle de police qui est valorisé contrairement à une police britannique qui va chercher à gagner la confiance ou la police allemande qui essaye de se présenter comme une amie du public. On trouve dans la police française ce rapport de confrontation au public et qui s'est durci depuis les 10 dernières années."
De la difficulté de poser le diagnostic
Selon Sébastian Roché, ce problème de la police "qui sert moins bien les pauvres que les riches et moins bien que les noirs que les blancs", est une problématique que l'on retrouve dans beaucoup de systèmes de police. "La particularité de la France, c'est le fait qu'elle veuille l'ignorer. C'est le propos suivant lequel 'la police ne serait pas raciste'. Cette position de principe du gouvernement empêche de faire des progrès, un diagnostic objectif et des propositions pour que la police française progresse." Selon lui, la première chose à faire, c'est "la reconnaissance du problème. Les Canadiens l'ont fait, les Anglais l'ont fait. Nous devons reconnaître ce problème".
Pour limiter les contrôles au faciès, certaines associations ont demandé la mise en place d'un récépissé de contrôle, sans succès. Les caméras piétons pour tous les policiers doivent par contre être généralisées en juillet prochain.
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