"On vend moitié moins de véhicules, c'est dramatique" : les ventes de voitures neuves en France au plus bas depuis plus de 40 ans
Entre janvier et mars, moins de 400 000 voitures neuves ont été vendues en France, un niveau historiquement bas, jamais enregistré depuis plus de 40 ans. Après une année 2021 déjà catastrophique, le marasme est parti pour durer.
Dans cette concession Citröen d'Olivet, proche d'Orléans, nous comptons les clients sur les doigts d'une main. En deux heures, seuls cinq visiteurs sont là, venus pour faire réviser leur véhicule. Aucun n'est venu pour acheter. "Tout d'abord parce que c'est cher", explique Michel, client de la concession. "Si je prends la C5 hybride qui est devant moi, son prix de base est de 50 000 euros."
Une scène symptomatique de l'état du secteur automobile français qui tourne au ralenti depuis plusieurs mois. Entre janvier et mars dernier, moins de 400 000 voitures neuves ont été vendues dans le pays, un niveau historiquement bas depuis 1980 et le début de cette mesure nationale de ventes de véhicules.
Des voitures neuves plus chères
Le prix des voitures neuves a effectivement augmenté en 2021. Cette hausse, de 6%, est même plus forte que l'inflation. Une hausse qui s'explique par celle du prix des matières premières pour produire les véhicules : acier, cuivre aluminium, lithium... tandis que le pouvoir d'achat d'éventuels clients automobilistes ne suit pas.
Marché | En avril, avec 108.723 immatriculations VP, un marché en ↘️ de -22.58 % par / 2021, soit -42,23% par / au niveau d’avant crise (2019).
— Plateforme automobile (@PFA_auto) May 1, 2022
Au total, sur les 4 premiers mois : ↘️ de -18,57% par / 2021, soit -36,07% par / 2019.https://t.co/CRpQsjyLBH
"C'est dramatique", déplore le dirigeant de cette concession Citroën d'Orléans. "Même les portes ouvertes où on fait de très gros scores, on enregistre maintenant à peine plus de commandes que la normale."
"Avant, on vendait entre 150 et 180 véhicules par mois. Là, en ce moment, on est plutôt sur moitié moins, voire pire."
Olivier Dufour, concessionnairefranceinfo
De plus, lorsque les clients sont là, ils sont souvent découragés par les délais de livraison qui se rallongent, avec pour certains modèles jusqu'à un an et demi d'attente. Les usines tournent effectivement au ralenti à cause de la fameuse pénurie de semi-conducteurs. Les fournisseurs de ces pièces tant recherchées, essentiellement taïwanais et chinois, les livrent en priorité aux fabricants de smartphones et d'ordinateurs, plutôt qu'aux constructeurs automobiles. L'année dernière, les usines européennes ont fabriqué 3% de voitures en moins et les stocks des vendeurs s'amenuisent. "Je n'ai même pas 25 véhicules prêts à être vendus", nous explique Olivier Dufour.
Jointe par franceinfo, Anaïs indique avoir commandé un véhicule neuf en septembre 2021. Elle n'a toujours pas reçu sa voiture : "Au moment de la commande, on nous annonce que ça pourrait arriver au mois de décembre. En décembre, on nous dit finalement janvier. En janvier, rebelote." Elle explique qu'elle avait également regardé pour se procurer un véhicule d'occasion mais que les prix ne sont plus aussi intéressants sur ce marché qu'il y a quelques années. "Pour un véhicule d'occasion, on a des coûts quasi-identiques au neuf," regrette Anaïs."
Une hausse des prix de véhicules d'occasion de 13% l'année dernière
C'est en effet une conséquence de la baisse des ventes dans le marché du neuf : comme les particuliers n'achètent pas de nouvelle voiture, ils gardent leur ancien véhicule, qui n'est pas revendu sur le marché de l'occasion. Résultat : le prix des voitures d'occasion a grimpé de 13% en 2021. Selon les professionnels, cette crise risque de s'installer dans le temps, alors que cela fait 21 mois consécutifs que les ventes de voitures neuves sont en baisse en France. Marc Bruschet, le président des concessionnaires au sein de Mobilians, le syndicat des professionnels de l'automobile, ne voit pas d'amélioration avant l'année prochaine, au mieux : "Vous avez la crise des semi-conducteurs qui va se prolonger au moins jusqu'en 2023 voire 2024. Et puis, vous avez maintenant la crise en Ukraine qui complique encore les choses."
"Les hausses de prix risquent de s'installer dans le temps. Si on continue comme ça, la voiture risque de devenir un objet de luxe."
Marc Bruschet, président des concessionnaires à Mobiliansà franceinfo
Les constructeurs, eux-mêmes, accentuent la tendance. D'ailleurs, ils se portent bien et leurs profits progressent, parce qu'ils privilégient la vente de modèles chers, comme les électriques, les SUV. Ils veulent vendre moins de véhicules, mais des modèles plus chers. Alors, ils réduisent leur production des modèles d'entrée de gamme... Et poussent leurs concessionnaires à ne pas faire de promotion.
Enfin, un autre frein à l'achat de véhicule existe depuis quelques années : l'incertitude des consommateurs sur le type de motorisation. Avant d'acheter, beaucoup de conducteurs veulent savoir s'ils pourront encore rouler au diesel dans quelques années. "Toutes les villes de plus de 150 000 habitants devront avoir une zones à faible émission (ZFE) avant 2025, souligne Éric Champarnaud, dirigeant de C-Ways, société spécialisée dans le marketing automobile. Elles vont interdire les véhicules d'un certain âge, puis tous les véhicules diesel".
Aujourd'hui, les véhicules électriques coûtent en moyenne 10 000 euros de plus que les modèles équivalents en motorisation essence. Malgré les aides à la conversion, ils restent très chers pour les petits budgets.
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