Paris 2024 : à huit mois des Jeux olympiques, la grande peur de la blessure chez les athlètes
Il reste huit mois, soit 234 jours précisément, aux athlètes français pour se préparer pour l'objectif d'une vie : les Jeux olympiques de Paris et la quête d'une médaille à domicile. Ils s'entraînent bien sûr mais surtout, ils se préservent et se protègent d'une blessure qui pourrait soudainement ruiner tous leurs rêves.
La plus grande phobie des sportifs jusqu'aux Jeux, c'est un muscle qui se déchire ou un os qui se casse, parce qu'ils ont vu avant eux leurs aînés frappés par la foudre. Mehdi Baala, spécialiste du 1 500 mètres a notamment dû renoncer à quelques jours des JO de Londres. Le champion du monde de triple saut Teddy Tamgho était lui forfait juste avant ceux de Rio.
Plus récemement, Renaud Lavillenie, s'est blessé à la cheville, trois semaines avant les derniers Jeux de Tokyo : "Quand je tombe sur le tapis et que j'entends comme un 'crac' dans la cheville, ma première inquiétude, c'est de me dire 'Je me suis cassé quelque chose et là, je ne pourrai vraiment pas aller aux Jeux'. J'avais travaillé comme un fou en amont pour me mettre dans une position où j'étais potentiellement capable de monter sur le podium".
"J'en ai pleuré, sur le coup."
Renaud Lavillenie, perchisteà franceinfo
Renaud Lavillenie s'en sort avec une grosse entorse, il peut donc participer aux Jeux mais il est diminué et termine 8e de la finale.
De leur côté, les staffs médicaux sont persuadés que tout blessure est évitable. Dans le temple du haut niveau qu'est l'Insep, au coeur du bois de Vincennes, on développe depuis quatre ans le programme "Fulgur", justement destiné à éviter les blessures des athlètes qui préparent Paris 2024. Ce programme est financé par l'État à hauteur de deux millions d'euros. Les relayeurs français, médaillés d'argent aux derniers Mondiaux, en font partie, tout comme la relève de Kevin Mayer. Téo, décathlonien de 21 ans, sert de cobaye au directeur du laboratoire de l'Insep. Gaël Guilhem pratique des échographies de ses ischio-jambiers, ce muscle situé à l'arrière de la cuisse, et très sollicité notamment lors des sprints.
"L'idée, c'est de mesurer la raideur ou l'élasticité de ses muscles, explique-t-il. D'un athlète à l'autre, on va avoir des profils qui peuvent être très différents. On peut avoir des muscles très élastiques, d'autres très raides, et on fait un retour directement au coach en lui donnant le profil. En lui disant que s'il a des problématiques de blessures aux ischio-jambiers chez cet athlète-là, il peut utiliser tel ou tel contenu d'étirement ou de renforcement pour aller réduire le risque de blessure". Après une journée entière de tests, Téo repart par exemple avec son ordonnance, non pas de médicament mais d'exercices individualisés.
Tout cela, c'est pour la théorie mais sur la piste, dans les gymnases, les athlètes sont parfois poussés à s'entraîner dur, voire trop dur. Et une blessure quand on a trop forcé, c'est en effet un risque. Malgré tout, il y a eu beaucoup de progrès ces dernières années. Les échauffements sont dorénavant intégrés à la préparation physique.
Certains prennent le risque de ne pas être opérés
Au gymnase de l'Insep par exemple, deux fois par semaine, avant l'entraînement, il y a une séance dirigée par le kinésithérapeute et osthéopathe, Nicolas Brunet. Lors d'un exercice avec la championne d'Europe de saut de cheval, Coline Devillard, il dépose sur ses épaules un poids de cinq kilos. "Ce n'est pas une partie de plaisir mais je le fais quand même. La blessure, c'est toujours quelque chose qui fait peur, surtout quand on se rapproche des Jeux, donc je fais tout pour que ça se passe bien. En plus, j'ai pas mal de problèmes aux chevilles et depuis que je travaille avec lui, c'est quand même beaucoup mieux", reconnaît Coline Devillard.
"Je pense qu'elles ont compris l'intérêt, souligne le kinésithérapeute. Donc elles rechignent moins à faire ce travail. Et on est en France en 2023, on n'est pas dans des pays soviétiques dans les années 80, donc on ne peut pas être derrière les filles tout le temps". Il y a une volonté d'autonomiser les athlètes, y compris pour la nutrition et le sommeil qui font partie intégrante de la prévention des blessures.
Une fois que la blessure est là, la suite dépend du type de blessure et de quand elle survient. Lorsque Renaud Lavillenie s'est de nouveau blessé l'été dernier, il avait le choix entre attendre une éventuelle amélioration ou anticiper une opération. Il a choisi la seconde option dès le mois de septembre pour se donner les meilleures chances d'être prêt cet été, pour les JO. En revanche, si la blessure intervient trop près des Jeux, certains décident de ne pas se faire opérer quitte à prendre des risques pour leur corps dans l'après-carrière. Quand on parle des JO en effet, rien n'est plus pareil, explique Laurent Winkler, le médecin des Bleus du judo : "C'est l'objectif d'une vie. Là, ils ont eu lieu en France donc encore plus".
"On est prêts à prendre des risques qu'on ne prendrait peut-être pas si c'était un championnat d'Europe ou un championnat du monde."
Laurent Winkler, médecin de l'équipe de France de judoà franceinfo
"C'est aussi pour certains et beaucoup, des fins de carrière. Donc, on a quand même une vision différente", poursuit-il. Des judokas sont même allés aux JO avec un ligament croisé rompu et ils ont quand même été médaillés, cela s'est vu plus d'une fois. Si le risque de blessure est donc bien mieux encadré, cela reste le tabou des sportifs, entouré d'un grand secret et parfois même d'intox pour ne pas donner trop d'indices à l'adversaire. Imaginons par exemple que si Teddy Riner soit blessé l'été prochain, nous ne le saurions pas forcément.
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