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Reportage
"C'est du jamais vu" : dans les Pyrénées-Orientales, après quatre mois sans pluie significative, la sécheresse est inédite
Alors qu’il pleut quasiment partout en France, la sécheresse continue dans les Pyrénées-Orientales et la situation est catastrophique dans le département. Pas de pluie significative depuis quatre mois. En cette fin novembre, les sols sont secs comme en plein mois d’août et les restrictions d’eau mises en place cet été sont toujours en vigueur.
Il suffit de sillonner le département pour voir que depuis cet été la situation n’a pas vraiment changé. Des arbres morts au bord de rivières asséchées, des terrains de rugby à la pelouse brûlée, des ronds-points où ne pousse plus aucune fleur. Et même quand on monte vers les hauteurs du département, en Cerdagne, en pleine montagne, on comprend que la situation est grave.
Les mêmes températures en altitude qu'en plaine
Pourtant dans cette région proche de l’Espagne, la sécheresse, généralement on ne connaît pas, témoigne Bruno Marty, un éleveur de vaches. Il y en a cinquante dans la région. "On a beau avoir un climat méditerranéen, on est protégés parce qu'on est à 1 300 mètres d'altitude, du coup, dès qu'il y a des précipitations, on les prend, explique-t-il. Sauf que cette année il n'y en a pas eu. Et les températures qu'on a en plaine sont identiques en montagne. C'est du jamais vu." Il possède 80 bêtes, des Aubrac, des "grandes marcheuses", précise-t-il, qui broutent de l’herbe à l’air libre dans les champs normalement jusqu’à mi-décembre. Mais depuis un mois et demi, elles sont confinées, prématurément, dans les étables, "parce qu'il n'y a rien à manger ! On subit une grosse sécheresse depuis le mois de mars, les sols sont hyper désséchés, il n'y a rien a manger."
Pourtant il faut bien les nourrir ces vaches. Quand elles sont à l’étable, c’est du foin, mais le foin cette année, Bruno Marty n’en a quasiment pas récolté. "C'est impressionnant, c'est carrément brûlé, constate-t-il. L'herbe est morte donc ça fait des trous, il y a un épi qui se balade tous les kilomètres, et du coup tout est poussière." Alors il doit l’acheter ce foin. Et il n’est pas le seul. Conséquence, les prix ont doublé. Et financièrement l’éleveur ne peut plus suivre. Il va devoir se séparer de la moitié de son troupeau. "Dès qu'elles auront fini de veller, elles partiront à l'abattoir, confie-t-il. On est désabusé, c'est une vie qu'il y a derrière et tout ça s'arrête parce que le temps n'a pas suivi." Et le temps n’est pas à l’amélioration dans les prochains jours.Toujours pas d’eau au programme et toujours ces températures affolantes : en début de semaine, il a fait jusqu’à 15 degrés ici fin novembre à 1 300 mètres d’altitude.
Des craintes pour le tourisme
L’Agly, rivière qui forme de magnifiques gorges prisées des touristes devrait être un torrent puissant à cette époque de l'année. Mais actuellement, "la rivière est basse, explique Jean-Luc Schosseler qui loue des gîtes à Saint-Paul de Fenouillet depuis plus de 20 ans. Habituellement, fin novembre, il n'est pas rare d'avoir des crues et cette année, elle est toujours très basse, il a très peu plu." L’état de la rivière ne laisse rien présager de bon pour les mois à venir.
Ce serait un nouveau coup dur pour Jean-Luc Schosseler, après une saison estivale 2023 déjà catastrophique : "On annoncait une énorme canicule, des restrictions d'eau dues à la canicule donc énormement de touristes ne sont pas venus dans la région parce qu'ils ont eu peur d'avoir trop chaud et ils ont eu peur de ne pas pouvoir se rafraîchir dans les rivières, les piscines etc. Ça a eu un impact énorme sur le secteur".
L’alimentation en eau potable de certaines communes compromise
C’est aussi la réputation touristique des Pyrénées-Orientales qui est en jeu avec ces épisodes de sécheresse. Le secteur du tourisme est le deuxième pilier économique du département après l'agriculture. Pour le moment, rien d’alarmant. La saison a été bonne sur la côte et elle s’annonce correcte dans les stations de ski, notamment grâce à la neige de culture.
Mais le déficit pluviométrique est tel que la quasi-totalité des nappes phréatiques du département sont en alerte renforcée. "Depuis juillet il n'a pas plu et quand on sait que la période de recharge des nappes c'est octobre/novembre/décembre, on se dit qu'on va passer un été vraiment difficile, craint Nicolas Garcia est le président du syndicat mixte des nappes de la plaine du Roussillon. Tout simplement si ça continue et qu'on arrive à l'été dans cette situation, il y aura des communes qui n'auront pas d'eau. Les noms ne sont pas communiqués mais nous avons une trentaine de communes qui restent sous surveillance. C'est inédit, catastrophique et très inquiétant pour l'avenir." L’été dernier déjà, l’eau potable avait été coupée pendant trois semaines dans quatre communes du département.
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