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Reportage
Catastrophe ferroviaire en Grèce : 15 jours après le drame, société civile et monde politique en plein divorce
Deux semaines après la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts près de Larissa, dans le centre de la Grèce, l’incompréhension règne toujours à Athènes. Devant les kiosques à journaux, dans les discussions, et même dans les restaurants. Près de la place Syntagma, au cœur de la capitale, Alessandro estime en servant des salades que cet accident n’aurait jamais dû avoir lieu, en 2023. "C’est inacceptable… Mon fils de 12 ans m’a demandé : 'Mais papa, comment cela a-t-il pu arriver ?"
"Quand je commande une pizza, je peux la suivre sur mon téléphone. Pourquoi ce n'est pas possible de voir que deux trains roulent sur la même voie ?"
Alessandro, serveur à Athènesà franceinfo
Cette catastrophe, qui entraîne depuis des manifestations monstres en Grèce, s'explique par des fautes humaines : le chef de gare avait peu d’expérience, et deux employés ont quitté leur poste plus tôt que prévu ce jour-là. Mais il y a d'autres facteurs, selon le député du parti d'opposition de gauche Syriza, Dimitri Tzanakopoulos. L'élu estime que la responsabilité est avant tout politique : "Le nombre de gens qui travaillent pour le réseau des chemins de fer est passé de 1 300 personnes à seulement 750. Alors évidemment, cela entraîne des manques avec des postes qui ont disparu. S'ajoute aussi que depuis 2020, certains contrôles ont été supprimés et que cela est de la responsabilité du gouvernement actuel", juge-t-il.
La goutte d'eau qui a fait "déborder le verre"
L’opposition, qui pointe la responsabilité du gouvernement, doit aussi assumer d’avoir lancé une partie de la privatisation des chemins de fer. Si bien que les manifestants à Athènes sont sévères avec toute la classe politique, et que leur colère part dans tous les sens. Méléna, étudiante en art, demande au gouvernement d'entendre ses attentes : "Nous sommes ici, car nous, les étudiants, mais aussi beaucoup de Grecs, souffrons de ces gouvernements qui ne se soucient pas de nous et qui ne veulent pas notre bien, de la vie que nous voulons ... Nous voulons être musicien, acteur, peintre, danseur, mais on n'est pas soutenu", assure la jeune femme.
Si les étudiants se sentent malmenés, le sentiment peut se décliner à de nombreux domaines : la santé, l'éducation ou le coût de la vie… Les Grecs se sentent ignorés, d'où les manifestations partout dans le pays où on ne dit pas "goutte d'eau qui a fait déborder le vase" à propos de la catastrophe ferroviaire, mais "déborder le verre".
Une colère en période pré-électorale
De plus, ces manifestations se produisent à un moment particulier : les prochaines élections en Grèce sont prévues avant la fin du mois de juillet. Pour le sociologue Seraphim Seferiades, c’est une bonne chose que cette colère éclate maintenant : "À chaque fois que les gens deviennent des acteurs politiques, ce n’est pas dangereux pour la démocratie. C’est au contraire de l’espoir pour la démocratie. C’est un long cheminement, même si on ne sait pas où cela va aller."
"À chaque fois que les gens défilent dans la rue pour dire qu’ils ont été éloignés des décisions politiques, c’est de l’espoir."
Seraphim Seferiades, sociologueà franceinfo
L'espoir, Dimitris Kairidis aimerait y croire. Ce député du parti de droite au pouvoir, Nouvelle démocratie, sent que malgré les excuses du Premier ministre Kyriákos Mitsotákis et la démission du ministre des Transports Kostas Karamanlis, il règne un sentiment de défiance. Et l'élu craint que la grogne ne se transforme en "tous pourris". "C’est un moment très sensible, explique Dimitris Kairidis. Nous devons faire attention à ne pas répéter les erreurs des années passées, afin que cette tragédie nationale ne se transforme pas en crise politique et en crise démocratique. Parce que notre crédibilité est touchée et que c’est mon devoir de politicien de ne pas l’accepter. J’en ai fait mon combat."
Ce divorce entre société et monde politique se vérifie dans les sondages : 87% des Grecs estiment que l’accident n’est pas dû à une erreur humaine, comme le dit le gouvernement, mais bien a des choix politiques passés.
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