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Reportage
"Ce qui me réconforte, c'est quand mes parents me font un câlin" : comment les plus jeunes Israéliens vivent-ils la guerre face au Hamas ?

Un mois tout juste après le massacre commis par le Hamas et la riposte israélienne, franceinfo donne la parole aux enfants israéliens pour entendre leurs peurs et leur résilience aussi.
Article rédigé par Agathe Mahuet, Jérémy Tuil
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Lia, 6 ans, a peint de grands cœurs colorés au-dessus d'une large tache noire. À Tel-aviv, novembre 2023. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

La sirène retentit ce jour-là, au moment où les parents viennent chercher leur enfant dans une école de Tel-Aviv. Alors, au portail : demi-tour. Les élèves et leurs familles repartent en courant vers le fond de la cour, là où se trouve l'abri. Il y a de l'agitation dans l'air, mais Gabriel, lui, s'est glissé dans un fauteuil : "Je commence à avoir l'habitude", glisse-t-il, en attendant tranquillement la fin de cette alerte à la roquette. "Parfois, c'est un peu stressant, confie Gabriel. Ça m'arrive d'avoir peur de ne pas arriver à temps à l'abri."

Les enfants sont souvent en première ligne dans ce conflit : à Gaza*, les autorités sanitaires contrôlées par le Hamas annoncent que plus 4 000 enfants ont été tués. En Israël, des milliers d’enfants ont été déplacés dans le pays, parfois traumatisés par ce qu’ils ont vécu ces dernières semaines. Du haut de ses 8 ans, Gabriel est très au courant de la situation : "Je parle avec mes parents de ce qui se passe en Palestine, la politique, tout ça. Ce que je comprends, c'est que c'est dangereux et que le Hamas prend les Palestiniens en otage."

Des enfants face aux roquettes et aux enlèvements

Les enfants sont comme des éponges face à ce conflit. En ce moment, on les trouve par centaines dans les hôtels israéliens parce que certains ont dû quitter leur maison. Celle de Lia, à Ashkelon, a été touchée par des débris de roquettes. "Ça fait comme un bruit d'explosion, un bruit vraiment très fort", décrit la petite fille qui vient juste d'avoir 6 ans. À côté, sa maman raconte que, par miracle, il n'y a pas eu de blessés. Le projectile est tombé dans la cour et a brisé toutes les fenêtres. Le problème, c'est que Lia et sa famille ne seront pas hébergées éternellement à Tel-Aviv. Les chambres, jusque-là, ont été payées par l'État et il faut bientôt rentrer à Ashkelon : cela inquiète beaucoup la petite fille.

Des enfants sortant de l'abri d'un hôtel après une alerte à la roquette à Tel Aviv, en Israël. (Agathe Mahuet / franceinfo)

Pinceau à la main, Lia peint de grands cœurs colorés au-dessus d'une large tache noire. "C'est très parlant", note Aya, la bénévole qui gère un atelier destiné aux enfants déplacés. Elle montre un genre de collage et le décrit : "C'est très sombre. Le ciel est tout noir. Voilà comment les petits expriment leur angoisse."

Shir a huit ans et demi et une tresse multicolore dans les cheveux. Elle confie, tout en gribouillant, que ce qu'elle craint le plus, ce sont les missiles lancés depuis Gaza. "J'ai peur aussi parce que maman m'a dit que le Hamas kidnappait des gens", confie la petite fille. Cette notion de prise d'otages, un choc déjà considérable pour les adultes, c'est aussi très présent dans l'esprit des enfants. Il y a une chose qui aide Shir à surmonter tout ça : "Ce qui me réconforte, c'est quand mes parents me serrent dans leur bras, me font un câlin."

Des psychologues israéliens se mobilisent

Annie Darmon est psychologue scolaire. Elle vit et travaille depuis 25 ans à Ra'anana, au nord de Tel-Aviv. Elle confirme que les petits Israéliens sont très préoccupés par la guerre. "Ce qui est extraordinaire, c'est que, souvent, ils ne se font pas du souci pour eux-mêmes, explique la psychologue. Ils se font du souci pour tous les autres. Ils me disent : 'Mais qui va s'occuper des orphelins ?' Tous ces gens, on a tué leur père et leur mère. Ils savent qu'il y a des gens qui sont encore otages. Les photos des otages sont placardées sur les bus de tout le pays."

"Quand ils voient un enfant de 3 ans et qu'il y a écrit en gros 'kidnapped', ils savent très bien que cet enfant, il est dans une prison horrible."

Annie Darmon, psychologue scolaire

à franceinfo


Pour répondre aux questions des familles, elle a mis en place sur les réseaux, avec plusieurs collègues, des fiches de conseil : "Que dire aux enfants quand leur père est à l'armée ? On a fait par exemple la fiche qui s'appelle 'J'ai peur des terroristes ou 'J'ai peur des sirènes." Il faut trouver une routine pour les plus jeunes. Par exemple, face aux nombreuses sirènes d'alerte à la roquette : "Préparez-leur un petit sac qu'ils emportent avec eux quand ils rentrent dans l'abri. On va dire que c'est un petit peu comme un doudou de guerre", explique la psychologue.

La difficulté, explique aussi Annie Darmon, c'est que l'on n'est pas encore dans du post-traumatique. La guerre est en cours, donc ce travail ne fait que commencer. "C'est normal que les enfants aient peur. Le but, c'est effectivement de permettre aux enfants de revenir le plus rapidement possible dans un fonctionnement normal." La psychologue ajoute qu'il "faut continuer à transmettre aux enfants des principes de résilience pour que la société tout entière remonte la pente".


*Précisions : il est impossible aujourd’hui d’être à Gaza pour y tourner un reportage similaire côté palestinien, l’armée israélienne empêchant l’accès des journalistes au territoire qu’elle bombarde depuis quatre semaines.

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