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Reportage
"Ce qui s'est passé en Hongrie, ça a été un travail de sape des contre-pouvoirs" : comment le pays est devenu le "mouton noir" de l'Union européenne ?
La Hongrie fait l'objet de nombreuses critiques pour ses lois jugées liberticides. La loi de souveraineté est la dernière en date, votée au mois de décembre dernier : elle vise à lutter contre les ingérences étrangères. Or, elle a beaucoup inquiété les ONG, comme Helsinki, la plus ancienne organisation de défense des droits de l'homme du pays.
András Kádár, le coprésident d'Helsinki, s'alarme : cette loi crée un office d'État, sans adresse, sans téléphone, aux pouvoirs quasiment illimités. "L'office est censé avoir un accès très large à des données, il peut demander tout type d'informations à des personnes, à des organisations... y compris des informations sensibles soumises à des règles de confidentialité, explique-t-il. Je veux dire, c'est tout nouveau, mais l'office de souveraineté vient de contacter l'association du barreau d'avocats hongrois avec une lettre leur demandant de coopérer."
Que veut dire coopération ? C'est bien le problème, souffle András Kádár, le flou est entretenu alors que cet office peut, après enquête, proposer des sanctions, allant jusqu'à des peines de prison. "Ce qui s'est passé en Hongrie, ça a été un travail de sape des contre-pouvoirs, entre les problèmes d'indépendance de la cour constitutionnelle, le défenseur des droits, les tribunaux... ça empêche tout le monde d'avoir la possibilité de bénéficier d'une protection quand les droits humains sont violés", se désole András Kádár.
"Pour Fidesz, ce qui importe le plus, c'est la souveraineté nationale."
András Laslzo, membre du Fideszà franceinfo
Mais le Fidesz, le parti gouvernemental du Premier ministre nationaliste Viktor Orban, persiste et signe. András Laslzo, est membre de la majorité au pouvoir et même s'il est candidat au Parlement européen, pour lui le danger, c'est l'étranger. "Il y a eu une ingérence dans nos élections de 2022, les élections parlementaires quand les partis de gauche se sont présentés sur une liste et qu'ils ont reçu 10 millions de dollars des États-Unis", assure András Laslzo.
La somme n'a pas été confirmée mais ce financement étranger a précipité le vote de la loi de souveraineté. Le Parlement européen s'en est ému et a lancé en début d'année une procédure unique devant le conseil de justice de l'Union européenne. Celui-ci conteste le dégel de 10 milliards de fonds européens, jugeant que les droits de l'homme ne sont toujours pas suffisamment respectés.
Plusieurs lois hongroises dans le viseur de l'Europe
La Hongrie s'attaque à toute forme de contestation. En 2023, les professeurs ont été mis sous pression. Ils ont perdu leur statut de fonctionnaire et sont désormais soumis à une notation annuelle qui peut avoir un impact sur leur rémunération. L'opposition, elle, est dénigrée et peu présente dans les médias publics. Le gouvernement a mis la main dessus en 2010. Balazs Nagy Navarro s'en rappelle très bien. L'ancien chef du service international de la télévision publique décrit un système de désinformation. "La manipulation de l'information, ça existe en France, ça existe partout, d'un côté comme de l'autre... Mais ici on est arrivé à un tel niveau de manipulation dans les télévisions de service public, souligne-t-il. Ce genre de falsification directe de l'information existe dans très peu d'autres pays sauf dans les dictatures."
Le gouvernement Orban a créé une holding, qui regroupe désormais l'audiovisuel public. "La nouvelle institution faisant office de média public, en l'occurrence MTVA, est placée sous l'autorité du conseil des médias, explique Balazs Nagy Navarro, or le président du conseil des médias est élu par le gouvernement et la majorité parlementaire et il nomme la direction de l'audiovisuel public."
La communauté LGBTQIA+, cible favorite de Viktor Orban
Ce contrôle des médias permet des campagnes de dénigrement massives. Il s'agit de la dernière arme du système hongrois : toucher à la réputation et pousser à l'auto-censure. Dans un immeuble discret à l'écart de centre de Budapest, se trouvent les locaux de Hátter Society, une association LGBT. Támas Dombos, juriste, raconte son quotidien : "Chaque matin vous vous réveillez, vous commencez à lire les informations. Il y a toujours un nouveau politique en train de dire des choses homophobes ou transphobes, que vous êtes un pédophile, que vous voulez adoptez un enfant simplement pour l'agresser sexuellement..."
En Hongrie, il n'y a pas de drapeaux arc-en-ciel visibles, une loi a été votée en 2021 pour interdire la promotion de l'homosexualité. L'année dernière, le directeur du musée national à Budapest en a fait les frais après une exposition du World Press Photo, des photos de journalistes dont certaines montraient une communauté LGBT aux Philippines. "C'est devenu un problème politique, il a dit que c'était une chouette exposition qui avait sa place au musée et il a été viré... poursuit Támas Dombos. Donc vous risquez pour votre carrière si vous ne vous ralliez pas à cette législation, que vous soyez un enseignant ou même le directeur du musée national."
Selon un récent sondage, la moitié des Hongrois sont favorables au mariage homosexuel. 60% d'entre eux sont favorables à l'adoption par des couples de même sexe, une proportion qui augmente d'année en année. C'est tout le paradoxe dans un pays qui met en avant sinon les valeurs familiales traditionnelles.
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