Reportage
"J'en veux à tous les hommes politiques" : à Bordeaux, ces bénévoles d'une friperie solidaire n'y croient plus avant les législatives

À deux semaines du premier tour des élections législatives et au cœur du tumulte politique, franceinfo a décidé de prendre le temps d'écouter certains Français pour comprendre leur vote.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La joyeuse équipe de l’association "Mécanique sans frontière", dans leur friperie solidaire à Bordeaux. (BORIS LOUMAGNE / RADIO FRANCE)

À moins de deux semaines du premier tour des élections législatives, franceinfo est allé à la rencontre des bénévoles de "Mécanique sans frontière" qui tentent de faire vivre des valeurs de solidarité au sein du quartier des Aubiers, à Bordeaux. Rencontre dans leur friperie solidaire plantée au milieu des barres d’immeubles, l'un des rares lieux de vie dans ce quartier dit sensible.

"Moi c'est ça qui me tient à cœur, c'est d'aider les gens", explique Amandine, avec, derrière elle, les rayons homme, femme, bébé ou encore le coin déco. Un stock composé uniquement avec de la récupération, des dons de particulier. Les bénéfices de chaque produit vendu servent à financer des projets humanitaires en Afrique.

"On est au besoin, on écoute et puis il faut être sociable de toute façon, c'est important, sinon on ne ferait pas ce métier-là."

Amandine

à franceinfo

Amandine l'a remarqué : "Il y a beaucoup de précarité. On voit que les gens demandent beaucoup de petits prix. On voit qu'on est dans un milieu où c'est très très dur". L'association aussi vit des jours difficile. Elle peine à trouver des adhérents. "Je crois qu'ils ont d'autres soucis, ils ont la solidarité déjà dans leur famille à faire et je crois qu'il y a toujours une question d'argent", affirme Marinette, adhérente de longue date. Pour ce qui est des bénévoles, "on trouve encore des dames qui veulent bien venir trier, mais bon, ce n'est pas évident", regrette-t-elle.

Patrick, le président de l'association, a fait un triste constat : aucun des bénévoles n'habite le quartier des Aubiers, à Bordeaux.

Les élus locaux ? "Ils compatissent, ça se limite à ça"

Face aux difficultés rencontrées au sein de cette association de quartier, les élections législatives à venir suscitent un espoir très, très ténu chez ces bénévoles. Ces derniers ont appris à se débrouiller seuls. Ici, les élus locaux, "ils sont gentils et tout hein... ils compatissent, ça se limite à ça", glisse tout sourire Alain, adhérent fidèle, comme Marinette. En somme, ils n’attendent rien des hommes politiques. Le changement de gouvernement à venir ne suscite ni espoir, ni crainte particulière.

"Honnêtement, que ce soit d'un côté ou de l'autre, je ne pense pas que pour nous, personnellement, ça change grand-chose."

Alain

à franceinfo

"On continuera pareil", ajoute Marinette. "On nous aide pas beaucoup, donc on ne nous aidera toujours pas beaucoup", complète dans un grand rire son compère Alain. Derrière les rires jaunes, il y a tout de même de la tristesse, et parfois aussi de la colère, notamment quand Marinette évoque son ancien travail."Ils ne sont jamais rentrés dans un hôpital, fustige l'ancienne infirmière. Ils n'ont pas vu les gens souffrir. Ils ne voient pas ce que vivent nuit et jour les infirmières. Et ça, j'en veux à tous les hommes politiques."

Marinette et Amandine à la caisse de la friperie solidaire (de gauche à droite). (BORIS LOUMAGNE / RADIO FRANCE)

Marinette aimerait qu'un jour, ces élus politiques viennent vivre à l'hôpital, y passer une semaine, voire quinze jours, au lieu des visites de quelques minutes habituelles,"voir comment on vit et comment vivent les malades. Parce que l'empathie qu'on a, on l'a pour tout le monde. Je l'avais pour mes malades, maintenant, je l'ai pour les gens d'ici (à la friperie solidaire). C'est quelque chose qu'on a en nous. Et ça, les hommes politiques, ils ne l'ont pas."

La sécurité avant tout

Pourtant, lorsqu'il s'agit de définir un sujet à traiter en priorité, c'est la même réponse au sein de cette association de solidarité : la sécurité. "J'ai une petite fille de 26 mois, donc je pense à l'avenir et vivre dans un monde comme ça, c'est très dur", explique Amandine. J'en ai 38, il y a 20 ans de ça, ce n'était pas comme ça. Les caractères ont changé".

À côté de la patronne de la boutique, Marinette opine du chef : "On n'entend plus 'pardon', ils ne vous laissent pas la place…", énumère l'ancienne infirmière sans nommer personne. "Il y a un manque d'éducation", conclut Amandine. Dans ce quartier des Aubiers à Bordeaux, l'épisode des émeutes l'an dernier, liées à la mort de Nahel, a profondément marqué les esprits.

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