:
Reportage
"Mon réservoir d'eau n'est plein qu'à 45%" : la sécheresse frappe aussi la Grande-Bretagne
Andrew Blenkiron se balade tous les jours sur les 4 200 hectares d'Euston Estate. "La ferme s'étend sur 10 km par 8", précise-t-il. Il n'en est pas le propriétaire, mais le gestionnaire. Cette ferme se trouve dans le Suffolk, au nord-est de Londres. Ce jour-là, en s'installant au volant de son 4x4, il retrouve le sourire parce que les chemins qu'il emprunte sont boueux, d'ailleurs, sa voiture dérape gentiment à faible allure. Un exercice qu'il maîtrise parfaitement.
EN IMAGES >> Rivière à sec, lac au plus bas… Visualisez la sécheresse "record" dans les Pyrénées-Orientales en plein hiver
Il a plu la veille, mais ce n'est pas suffisant pour rattraper un mois de février catastrophique avec six millimètres de pluie et seulement deux millimètres dans certains endroits de la propriété. Des niveaux jamais recensés depuis 1959. Après la sécheresse de l'été 2022, l'effet se fait ressentir directement dans les deux immenses réservoirs, des lacs artificiels en fait, où il pompe l'eau nécessaire pour arroser les cultures. Il coupe le contact et se gare juste à côté de l'un d'eux : "Celui-ci fait environ 400 millions de litres et à cet instant, il n'est plein qu'à 45%. Habituellement, on s'attend à ce qu'il soit complètement rempli autour de fin février."
Des panneaux photovoltaïques à la place des céréales
Depuis le bord de ce réservoir, on prend un peu de hauteur au milieu de cette immense propriété. On peut voir les prés pour nourrir les bêtes et les champs de céréales : blé, seigle, orge. Tout ça, ce n'est pas irrigué et tant pis s'il ne pleut pas suffisamment. L'eau désormais rare et donc précieuse, il la réserve pour les cultures de plus grande valeur : carottes, pommes de terre, oignons et panais. Et avant de les planter, il vérifie les réserves d'eau. Il fait aussi, il le reconnaît, un pari sur les mois qui suivent. Pari de plus en plus compliqué ces dernières années parce que le niveau de précipitations baisse.
Cet agriculteur a donc décidé de moins cultiver. Un quart de son immense terrain ne sert plus à faire pousser des céréales ou des légumes, comme c'était le cas auparavant. Faute de pluie et surtout face à l'incertitude grandissante, chaque année, il a dédié près de 1 000 hectares à autre chose : "Nous avons planté des arbres, des Paulownia, sur 10% de nos terres agricoles. Et sur dix autres pourcents, nous aurons installé, j'espère d'ici la fin de l'année, des panneaux photovoltaïques. Nous allons réduire notre superficie de culture."
Les arbres serviront à fabriquer des meubles, des jouets ou des planches à découper. L'espace réservé aux panneaux solaires est loué. Ce sont donc des rentrées d'argent assurées sans avoir à surveiller constamment le niveau des réservoirs. Là où se trouvent les panneaux, il laisse gambader quelques moutons désormais. Il laisse même 5% de la superficie totale en friche. Les cultiver devient trop coûteux et trop hasardeux. Un choix dont il parle avec d'autres fermiers au sein du National Farmers' Union (NFU). Il préside la section du comté de Suffolk.
Jusqu'à 40°C en juillet
Dans ces réunions, il rencontre régulièrement Glenn Buckingham. Installé à trois-quarts d'heure de route de là, il exploite une ferme huit fois plus petite avec 520 hectares de céréales essentiellement. À 62 ans, il a vu le climat changer et il souffre aussi de cette sécheresse. Ce mois de février effrayant sans une goutte. Il cherche des solutions : "Nous devrions sans doute songer à plus de récupération d'eau de pluie et plus de réservoirs. Je pense que c'est désormais un climat plus extrême. Maintenant, on peut avoir 18°C en janvier, ça devrait être 2°C."
"En été, on monte à 40°C quand, normalement, nous avions 25°C. Je m'inquiète, et pas seulement pour moi, mais pour les générations futures."
Glenn Buckingham, agriculteurà franceinfo
Quand il parle de juillet 2022 et des 40°C qu'il a vécus sur son exploitation, il écarquille encore les yeux. Il n'en revient toujours pas. Pour lui, la prise de conscience du réchauffement climatique ne date pas d'hier. Il échange avec des élus locaux et nationaux, prend la parole régulièrement dans des rencontres avec d'autres fermiers. Il se rend bien compte que tous n'ont pas la même approche.
Pourtant, c'est évident pour lui, il faut travailler différemment : prendre en compte les changements climatiques, pas le choix et surtout, faire en sorte de ne pas aggraver la situation. Il voudrait plus de circuits courts. Par exemple, moins de poids lourds sur les routes pour aller moudre du grain et ensuite le ramener ensuite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.