: Reportage
"Nous sommes à 30 cm sous l'eau et tout se passe très bien" : la réalité virtuelle pour aider des élèves à vaincre leurs phobies

Pour tenter de lutter contre les phobies, notamment lors des cours de sport, une méthode est expérimentée depuis plusieurs années auprès de collégiens des Alpes-Maritimes, à l'aide de vidéos projetées dans des casques de réalité virtuelle.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sébastien Maire, professeur d’EPS, avec Sandro, élève de 6e qui teste le casque de réalité virtuelle. (SOLENNE LE HEN/ RADIO FRANCE)

La peur du vide, la peur de se noyer, la peur des serpents... Comment aider les jeunes à lutter contre ces phobies ? Une méthode expérimentale se penche depuis plusieurs années auprès d'élèves du collège de Vallauris dans Alpes-Maritimes.

Ici, les professeurs d'éducation physique et sportive confrontent leurs élèves à leurs plus grandes peurs grâce à la réalité virtuelle. C'est le cas de Sandro, un petit 6e de 11 ans. Il sait nager, dit-il, mais il a du mal à suivre les copains dans l'eau, parce que sa peur, c'est de mettre la tête sous l'eau et de se noyer : "Quand c'est un peu profond, je commence à paniquer, je perds toute ma respiration", confie-t-il. Et il veut réussir à vaincre cette peur.

Chaque année, les professeurs d'EPS identifient environ une trentaine d'élèves souffrant de phobie de l'eau. Ils leur proposent de regarder des vidéos qu'ils ont conçues eux-mêmes, avec un casque de réalité virtuelle. 

"Ton cerveau va enregistrer que tout va bien"

Le professeur d'EPS, Régis Fayaubost, accompagne Sandro : "Tu essaies d'aller au bout de la vidéo, d'accord ? Mais à n'importe quel moment, si c'est trop fort au niveau des émotions, tu fais un pas de côté ou bien tu enlèves le masque", explique le professeur au petit garçon. La vidéo de niveau 1 commence, où il s'agit de s'immerger progressivement sous l'eau d'une piscine, avec une voix qui accompagne l'enfant. Sandro, debout dans la salle de classe, est complètement immergé dans la vidéo à 360 degrés. "Nous sommes à 30 cm sous l'eau, à côté de l'échelle, dit la voix, tout se passe très bien, tu peux regarder autour de toi".

On l'observe, son corps se tend, le professeur remarque qu'il serre très fort le fil du casque dans ses doigts et qu'il semble inquiet en regardant de tous les côtés. Mais alors que la vidéo poursuit l'exercice dans un décor de mer, Sandro se recroqueville et se rapproche d'une position fœtale. Il angoisse et retire le casque, haletant mais souriant. C'était trop pour Sandro "J'ai vu un banc de poissons passer avec peu de lumière, j'ai eu peur", raconte-t-il. L'expérience se poursuit avec une suite de respirations profondes pour se calmer, car ce n'est pas fini.

Vidéo projetée dans le casque vidéo et visionnée par Sandro. (Capture d'écran YouTube)

Le but est d'exposer les élèves à leurs peurs, très progressivement. Sandro remet le masque, et première victoire, il finit de regarder la vidéo. "Tu vois ? C'est super et c'est fondamental ce qui est en train de se passer, encourage le professeur, parce que tu as été au fond de l'eau, tu as vu des poissons, et ton cerveau va enregistrer que tout va bien en fait, que tu n’es pas mort ! Et tu verras, ça va permettre de le débloquer et d'apprendre à nager." Sandro se montre confiant et pense qu'il pourra "progresser, à l'avenir".

Apprivoiser la peur

Cette idée de travailler sur les phobies des élèves vient en fait d'un autre établissement. Depuis des années, le collège Pablo-Picasso, un collège du bord de mer classé REP, met l'accent sur la natation tous les vendredis après-midi. Mais les professeurs d'EPS ont observé que certains élèves ne parvenaient toujours pas à nager. Ils ont voulu comprendre pourquoi, en discutant entre eux et dans les témoignages, revenait toujours la peur de l'eau chez ces enfants.

Ils se sont alors associés à des chercheurs pour créer ces vidéos immersives, dans un projet intitulé Phobies 360°. Pour Lionel Roche, de l'université de Montréal au Québec, le but n'est pas de faire disparaître la phobie, mais de faire en sorte qu'elle puisse être appréhendée, tolérée. "À travers ces visionnages, le cerveau commence à construire des repères sous l'eau", explique le chercheur, comme la lumière qui diminue à mesure qu'on s'enfonce sous la surface. Ces aspects permettent aux élèves de "s'acclimater au milieu aquatique", en ayant "l'impression d'être sous l'eau sans y être".

Lorsqu'ils rentrent à la maison, les élèves peuvent même emprunter un masque de réalité virtuelle au CDI du collège, pour poursuivre les séances avec les professeurs et s'entraîner à regarder les vidéos chez eux. Les résultats pour vaincre cette phobie sont là : l'objectif pour tous les élèves était de savoir nager. Or le collège Pablo-Picasso affiche un taux de réussite de 99%, l'un des meilleurs de France. 

D'autres expérimentations pour vaincre le vertige, la peur des serpents ou le trac

Et ce n'est pas tout. Dans ce collège, on apprend aussi à maîtriser la peur du vide. Khelil est en 5e et souffre de vertige. L'an dernier, il n'arrivait pas à monter le mur d'escalade. Il a testé le casque de réalité virtuelle, avec cette fois des vidéos de falaises. "Le casque m'a énormément aidé, témoigne-t-il, parce qu'après l'avoir utilisé, j'ai réussi à grimper jusqu'en haut. Ça m'a décoincé et j'étais vraiment très, très content". Il en a même pleuré, raconte-t-il. Depuis, il a réussi à monter quatre fois en haut du mur d'escalade.

Ces vidéos ont été encore déclinées : les enseignants en ont tourné pour de plus grands élèves, futurs sapeurs-pompiers, pour les aider à surmonter la peur des serpents. D'autres vidéos plongent le spectateur au cœur de grands amphithéâtres, pour vaincre le trac des élèves qui préparent des concours d'éloquence. 

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