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Résultats en baisse, dette colossale, investissements lourds... Les mauvais comptes d'EDF font planer le spectre d'une renationalisation

La crise énergétique, le déficit de production nucléaire lié à des défauts en série et le blocage des prix de l’électricité continuent de plomber les comptes d’EDF. À tel point que le fleuron industriel français pourrait être totalement renationalisé.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le siège d'EDF à Paris, le 15 février 2019. (ALAIN JOCARD / AFP)

Renationaliser le géant public de l’électricité ? Emmanuel Macron candidat avait repris l’idée entre les deux tours de la présidentielle. Et depuis, l’idée fait son chemin, tant la situation financière d’EDF est loin d’être brillante. Pourtant, vu la flambée des prix de vente de l’électricité sur les marchés, EDF devrait se frotter les mains. Au lieu de cela, l’électricien public annonce déjà des résultats 2022 en chute libre, notamment à cause de son actionnaire principal.

"EDF est malmené par son actionnaire : le gouvernement, à travers le bouclier tarifaire, décide que EDF vendra son électricité en-dessous de ses coûts et fera des pertes", rappelle ainsi François Lévêque, professeur à Mines ParisTech et auteur du livre Nucléaire On/Off.

La dette d’EDF ne cesse de grimper

EDF fait ses calculs : les mesures du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement sacrifieront dix milliards d’euros sur ses résultats. De plus le plongeon historique de la production d’électricité nucléaire représentera un manque à gagner de 16 milliards d’euros. Entre les avaries techniques découvertes sur 12 réacteurs depuis décembre et les retards de maintenance dus au Covid, cela ne pouvait tomber plus mal.

D’autant que la dette d’EDF ne cesse de grimper, pour culminer à 43 milliards d’euros, alors que les investissements à réaliser sont colossaux : 50 milliards pour l’entretien du parc nucléaire actuel, et au moins 52 milliards pour construire les six futurs réacteurs EPR 2 voulus par Emmanuel Macron pendant sa campagne.

Sauver EDF en nationalisant ?

S’agirait-il, alors, de nationaliser le groupe pour sauver les finances d’EDF ? La phrase exacte prononcée par Emmanuel Macron pendant sa campagne est : "L’État doit reprendre du capital." Et donc pas le capital en entier : ce que souhaite Emmanuel Macron, c’est nationaliser l’activité nucléaire d’EDF, car il sait que le nucléaire est une énergie qui peine à trouver des investisseurs privés pour se financer.

"Ce sont des investissements lourds qui durent longtemps, qui sont soumis à des aléas politiques et géopolitiques… Et depuis Fukushima, trouver un industriel ou un acteur privé qui est prêt à engager des gros montants sur le temps long en étant ouvert à un tel risque, c'est compliqué."

Julien Teddé, PDG d’Opéra Energie, courtier spécialisé

à franceinfo

Emmanuel Macron n’a pas clarifié son idée. L’État est aujourd’hui actionnaire d’EDF à 84% et reprendre les 16% restant pourrait lui coûter cinq à sept milliards d’euros. Reprendrait-il la totalité d’EDF, cèdera-t-il en partie au privé certaines activités rentables, comme les éoliennes et le solaire ? Ou celle de la distribution, avec Enedis ? C’est ce que prévoyait le plan de restructuration qui a capoté il y a 18 mois, pour cause notamment de mobilisation des syndicats. L’option de la nationalisation a certes les faveurs de la CGT mais le syndicat ne la souhaite pas dans ces conditions.

"La ficelle est un peu grosse"

"Leur intention est de passer par une renationalisation qui s’accompagne d’un projet de découpage de l’entreprise, prédit Philippe Page Le Mérour, secrétaire du CSE central d’EDF. C’est-à-dire que quand tout va bien, on privatise, quand tout va mal, on nationalise. La ficelle est un peu grosse." 

D’autant, estime Alexandre Grillat, de la CFE-CGC, que la nationalisation n’est pas le remède miracle aux problèmes d’EDF : "La nationalisation doit s’accompagner d’une augmentation de capital pour renforcer les fonds propres, souligne-t-il. Et il faut mieux rémunérer le parc nucléaire. La nationalisation c’est juste l’État qui rachète les minoritaires, mais ça n’apporte rien. "

Au-delà d’une nationalisation, c’est donc surtout d’argent frais dont EDF a besoin. Le gouvernement, lui, reste prudent sur le sujet à la veille des législatives. "La nationalisation n’est pas exclue, mais ce n’est pas tranché", lâche la ministre de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher.

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