Hausse du prix de l'électricité : on vous explique pourquoi EDF dépose un recours contre le gouvernement
Le PDG de l'électricien a annoncé, jeudi, avoir adressé un "recours gracieux" à l'Etat. Ce dernier lui impose, en tant que premier actionnaire, de revendre à bas prix de l'énergie. Objectif du gouvernement : protéger les Français d'une trop forte hausse des factures d'électricité. Mais EDF pointe un manque à gagner important.
La brouille entre EDF et l'Etat se poursuit. Le PDG du géant de l'électricité a annoncé, jeudi 12 mai, avoir déposé un "recours gracieux" contre la décision du gouvernement d'attribuer des volumes d'électricité nucléaire bon marché supplémentaires à ses concurrents, afin de limiter la hausse des factures. Et ce n'est pas la première fois ces derniers mois qu'EDF se révolte face à son principal actionnaire. Franceinfo revient sur les causes de l'étincelle.
Qu'est-ce que ce recours ?
"Je viens d'adresser à l'Etat un recours gracieux pour demander le retrait" de l'obligation faite à EDF par le gouvernement de fournir de l'électricité à prix réduit à ses concurrents, a déclaré jeudi Jean-Bernard Lévy, le PDG du groupe, à l'occasion de l'assemblée générale de l'entreprise. "Tant le prix que les conditions de ces attributions nous pénalisent considérablement", a-t-il fait valoir.
Outre cette procédure administrative, "EDF prendra toutes les mesures de nature à préserver ses droits qui lui paraîtront utiles", a ajouté auprès de l'AFP un porte-parole du groupe, précisant notamment que ce dernier se réservait la "possibilité de saisir les juridictions compétentes". "Nous prenons acte de la décision de Jean-Bernard Lévy", a réagi le ministère de l'Economie.
Pourquoi EDF doit-il fournir de l'électricité pas chère à ses concurrents ?
Avec l'ouverture du marché à la concurrence, EDF est obligé depuis 2010 de vendre une partie de son électricité aux autres fournisseurs d'énergie français au prix fixe de 42 euros le mégawattheure (MWh), alors que les cours sur les marchés de gros dépassent 200 euros par MWh. On appelle ce mécanisme l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).
Mais comme cette quantité d'électricité à prix cassé est limitée, les fournisseurs concurrents d'EDF doivent aussi aller se fournir à l'étranger. En raison de la flambée des prix ces derniers mois, cela leur revient plus cher qu'auparavant. Ce qui se répercute sur la facture du client.
Pour contenir la hausse des factures d'électricité des Français à 4% en 2022, le gouvernement a donc contraint EDF depuis le mois d'avril à augmenter de 20% le quota annuel d'électricité vendu à prix réduit à ses concurrents, à 120 térawattheures (contre 100 TWh auparavant), à un prix de 46,20 euros le MWh pour ce volume supplémentaire.
Que reproche EDF à cette obligation ?
Après le relèvement du plafond de l'Arenh, EDF a averti d'un plongeon de son résultat financier en 2022 de quelque 10 milliards d'euros, dont 8 milliards liés à la mesure. Or, cette importante manne financière, EDF en a besoin pour "investir dans ses projets, pour entretenir son parc actuel de production et dans de nouveaux moyens de production indispensables pour répondre aux besoins en électricité de la France et de l'Europe", expliquait sur franceinfo fin janvier Amélie Henri, déléguée syndicale CFE-CGC Energies. Pour les syndicats, d'autres mesures étaient possibles, comme une TVA ramenée à 5,5% sur le prix de l'électricité, contre 20% aujourd'hui.
De son côté, l'entourage du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, rappelait jeudi que "la mesure prise par le gouvernement en début d'année [avait] permis aux Français d'éviter une augmentation de 40% de l'électricité". L'association de consommateurs UFC-Que Choisir s'était aussi prononcée fin avril en faveur de la décision de l'Etat, avertissant qu'une "annulation de la hausse du plafond de l'Arenh pourrait entraîner un rattrapage tarifaire de 16%". Pour adoucir la mesure imposée à EDF, l'Etat a par ailleurs renfloué l'électricien à hauteur de 2,7 milliards d'euros en mars.
D'autres procédures ont-elles déjà été engagées par EDF ?
Avant ce recours gracieux, les salariés du géant de l'énergie ont été appelés à faire grève, le 26 janvier. Les syndicats du groupe reprochaient au gouvernement d'organiser la "spoliation d'EDF" et estimaient qu'il agissait dans un objectif purement électoral, à quelques mois de l'élection présidentielle.
Les syndicats et les six administrateurs salariés d'EDF ont par ailleurs attaqué la décision du gouvernement en référé devant le Conseil d'Etat, sans obtenir gain de cause. "Dans un contexte de forte hausse des prix sur le marché de gros de l'électricité, à l'origine d'importantes répercussions tant pour les particuliers que pour les professionnels, le juge des référés estime que la mesure contestée présente dans ces conditions un intérêt public", a décidé l'institution, le 6 mai.
Cette décision d'urgence ne signe cependant pas la fin du contentieux : les syndicats et les administrateurs d'EDF ont également saisi le Conseil d'Etat d'un recours en annulation, ainsi que la Commission européenne, estimant que cette augmentation du plafond de l'Arenh est contraire au droit européen.
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