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Démission du maire de Saint-Brevin : retour sur la "stratégie organisée et violente de l'extrême droite" vis-à-vis des élus

Une marche de soutien au maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, est organisée mercredi. Les témoignages recueillis sur place permettent de comprendre la succession des événements jusqu'à sa démission.
Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le projet de CADA, centre d'accueil pour demandeurs d'asile à Saint-Brévin-les-Pins (RADIOFRANCE - Hélène Roussel)

Yannick Morez accuse l'Etat de l'avoir abandonné, et le maire de Saint-Brevin-les-Pins n'est pas le seul à avoir reçu des menaces et des intimidations. C'est tout un engrenage qui a conduit à sa démission, le 9 mai, alors qu'une marche de soutien est organisée mercredi 24 mai. L'opposition au projet d'un Centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) commence en octobre 2021, quand l'Etat choisit Saint-Brévin pour accueillir un nouveau Cada. L'emplacement de ce centre inquiète certains riverains et des parents d'élèves de l'école élémentaire et maternelle de la Pierre Attelée, située juste à côté. Ils décident de fonder un collectif en mars 2022. Des tracts sont alors distribués. Il est dit dans ces tracts que "la présence de nombreux hommes africains juste à côté de l'école pourrait être source de problèmes d'insécurité". La Ligue des droits de l'Homme (LDH) a d'ailleurs porté plainte pour "provocations à la haine et discrimination raciale".

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Des mails sont également envoyés aux parents d'élèves, qui les reçoivent sur leurs adresses personnelles, comme nous l'explique Philippe Croze, président du Collectif des Brévinois attentifs et solidaires, une association d'aide aux migrants. "Il y a des mails intimidants et menaçants qui sont envoyés aux parents d'élèves pour leur dire que s'ils ne prennent pas position pour s'opposer à ce centre d'accueil, ils seront responsables du viol éventuel de leurs enfants. Et puis, il y a également eu la directrice de l'école qui a été mise en cause. J'ai moi-même reçu des choses pas très sympathiques dans ma boîte aux lettres personnelles. C'est un message qui veut dire : on sait où tu habites et fais attention." 

Des menaces et une radicalisation progressive

Il y a donc des menaces, des mails, des tracts et une première manifestation, le 15 octobre 2022. Ce jour-là, Fabrice Merrachi, qui fait partie des opposants à l'implantation du centre d'accueil, prend la parole et rebaptise ce centre, qui doit accueillir des hommes seuls et des familles en demande d'asile, en "centre de viols collectifs". Fabrice Merrachi confirme et assume ces propos. "Je l'ai dit à titre personnel : dans un endroit aussi reculé, en pleine forêt, décemment, on ne mélange pas les femmes et les enfants avec une population qui, en fait, est frustrée. Oui à l'accueil, mais pas ici, dans l'enceinte de l'école maternelle, on n'accueille pas les femmes et les enfants à côté des hommes." Quand on lui fait remarquer que ces hommes ne sont pas forcément de futurs violeurs, il concède qu'il ne s'agit pas de faire "une généralité". Alors pourquoi cette expression ''centre de viols collectifs" ? "Ecoutez, répond Fabrice Merrachi, c'est le futur qui nous le dira. Parce que je ne le souhaite pas, je vous le dis, mais lorsqu'on met le loup dans la bergerie, il ne s'agit pas de pleurer après."

Fabrice Merrachi confirme également que pour amplifier l'opposition à ce projet, son collectif fait appel au Rassemblement national. Des membres du parti de Marine Le Pen sont présents lors de la deuxième manifestation, en décembre. Mais deux mois plus tard, pour la troisième manifestation, à l'appel cette fois du parti d'Eric Zemmour, le RN décide de s'éloigner. Enfin, signe que le mouvement se radicalise, les drapeaux de Reconquête eux-mêmes disparaissent quand des groupuscules d'extrême-droite, l'Action française, le Rassemblement vendéen ou Riposte laïque, font leur apparition lors de la dernière manifestation, il y a un mois, après l'incendie des voitures du maire de Saint-Brévin, juste devant sa maison.

L'engrenage de la violence

Ce schéma, on le retrouve dans d'autres communes où il y a des projets d'accueil de migrants ou de demandeurs d'asile. L'exemple le plus criant se situe à Callac, dans les Côtes-d'Armor, où le maire a dû abandonner son projet, en avril. Pour de nombreuses associations qui viennent en aide aux migrants et qui suivent ces différents dossiers, il y a de nombreuses similitudes. Pour France Terre d'asile, tout cela découle "d'une stratégie organisée et violente de l'extrême droite visant à terroriser les élus qui s'engagent dans l'accueil des étrangers". C'est également ce qu'assure Philippe Croze depuis Saint-Brevin. "Je m'étais entretenu avec le maire de Callac. À l'époque, il n'avait pas encore pris la décision de retirer le projet. Mais il m'a raconté ce qu'il subissait, lui. Il y a des similitudes. Au départ, il y a peut-être une poignée de gens locaux qui ont des racines à l'extrême droite. Mais en fait, on voit bien que ça rentre dans une stratégie nationale de Reconquête, notamment, qui exploite tous les endroits où vont s'installer des migrants, soit par une initiative privée ou une initiative municipale, soit par l'implantation d'un nouveau Cada."

Le parti Reconquête est-il complice ? Met-il de l'huile sur le feu ? Arnaud Clémence, son délégué départemental en Loire-Atlantique, estime que non. "Je m'inscris en faux. Je trouve que le procès qui est fait est politique, pour nous faire taire. Laissez nous parler des sujets qui préoccupent les Français. Si vous coupez la parole à ces partis-là, forcément, il ne faudra pas s'étonner qu'un jour, ce soit la violence qui prenne le pas. C'est ce qu'on a tous à craindre parce qu'une société violente, c'est une société qui favorise le plus fort et souvent le plus malhonnête."

Reconquête, comme tous les opposants au centre d'accueil de Saint-Brevin-les-Pins rencontrés, condamne la violence et l'incendie. Pour l'instant, l'enquête des gendarmes locaux, appuyés de la section de recherche de Nantes, n'a pas permis d'avancée significative. À ce stade, selon le procureur de la République, "aucune personne n'a été interpellée". 

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