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"Tout est fait pour que les cobayes se sentent bien" : le bien-être animal davantage pris en compte dans les animaleries des laboratoires de recherche

Les animaleries des laboratoires de recherche, où vivent les cobayes sur lesquels les scientifiques tentent des expériences, sont source de vives tensions avec les défenseurs de la cause animale. Des mesures ont été prises pour réduire l’impact des recherches.
Article rédigé par Boris Hallier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une souris de laboratoire (photo d'illustration). (PHILIPPE MERLE / AFP)

Les animaleries des laboratoires de recherche sont dans le viseur des associations de défense des animaux, qui appellent à mettre fin aux expérimentations. C’est là que sont élevés les rats, poissons et primates qui vont servir de cobayes aux scientifiques. Et les tensions peuvent être importantes. À tel point qu’il est impossible de communiquer le nom de la responsable de l'animalerie de l’Institut de la Vision à Paris et les photos sont rares. La prudence est de mise, pour éviter tout risque de représailles de la part de certains militants. 

Comme son nom l’indique, l’Institut de la Vision est un institut de recherche consacré à la vue. "Ici, c’est la pièce des rats, nous montre la responsable. Ils sont deux maximum par cage. Ils ont des bâtons, du papier kraft, des maisons. Et là, c’est les souris. Il y a beaucoup plus de cages. Elles ont des tubes en carton, des petits tubes en bois pour ronger. Tout est fait pour qu’ils se sentent bien".

La responsable de l'animalerie poisson de l'institut de la vision avec son président, Serge Picaud, le 8 mars 2022. (BORIS HALLIER / RADIO FRANCE)

Ces centaines de rats, de souris ou de poissons sont manipulés par des chercheurs comme Ignacio, un doctorant bolivien qui travaille à l'Institut de la Vision à la mise au point d’un système capable de redonner la vue à des aveugles grâce aux ultrasons. Pour ses tests, il utilise des souris. "D’abord, il faut s’assurer que la souris est dans une boîte noire, privée de lumière mais le plus confortable possible", explique Ignacio. Au cours de ce test comportemental, la souris modifiée génétiquement, reçoit des ultrasons associés à des flashs lumineux, sous l'œil attentif des scientifiques.

"À la fin de l’expérience, les animaux sont euthanasiés."

Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

à franceinfo

"Après, on va prélever le cerveau pour regarder et quantifier les neurones qui exprimaient notre protéine sensible aux ultrasons. Là, on a montré qu’ils perçoivent la lumière. Il faut encore que l’on montre qu’ils peuvent percevoir des formes, poursuit Serge Picaud, le directeur de l'Institut de la Vision. Et une fois qu’on aura fait cette démonstration, on pourra commencer à penser à transférer cette approche chez des patients." 

Serge Picaud, le président de l'Institut de la Vision et Ignacio Alcala, doctorant dans une salle d'expériences, le 8 mars 2023. (BORIS HALLIER / RADIO FRANCE)

Près de deux millions de cobayes utilisés en France

Près de deux millions de rats, de lapins, de poissons ou de primates ont ainsi été utilisés en 2021 en France, selon les dernières statistiques du ministère de la Recherche. Pour les associations de défense des animaux, c'est beaucoup trop. Elles dénoncent régulièrement les conditions de vie et les souffrances que les animaux peuvent subir dans ces laboratoires. Dans la plupart des cas, les impacts de ces expériences sont considérés comme modérés ou légers pour l'animal. Mais en 2021, dans 14% des cas, la procédure était classée comme sévère. Franziska Grein est la conseillère en politique scientifique de l'association Peta (Pour une éthique dans le traitement des animaux).

"Là, on parle d’animaux enfermés dans des tubes, forcés d’inhaler des substances toxiques. Si mon voisin le faisait à son chien, ça se terminerait en prison. "

Franziska Grein, conseillère en politique scientifique de Peta

à franceinfo

"Est-ce que ça bénéficie à la société, à l’humain ?, interroge Franziska Grein. On ne sait pas exactement. Parfois oui, parfois non. Du coup, on ne comprend pas pourquoi on continue ces expériences sur les animaux, qui ne mènent pas à des résultats sûrs et certains".

Un protocole pour minimiser le recours aux animaux

Les scientifiques peuvent-ils vraiment se passer des animaux ? Il y a de nouvelles méthodes qui permettent effectivement d'éviter d'en utiliser. Les organoïdes, par exemple, sont des organes simplifiés, fabriqués en laboratoire, à partir de culture cellulaire. Développés en trois dimensions, ils miment l'architecture et le fonctionnement de l'organe entier. Il y aussi l'intelligence artificielle qui permet, par exemple, de tester des molécules. De quoi remplacer les animaux.

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C'est d'ailleurs l'un des objectif de la règle des 3 R : Remplacer, Réduire et Raffiner, explique Anastasia Sotiropoulos, la responsable du comité des 3 R chargé de promouvoir ce protocole. "On peut utiliser parfois des modèles non-animaux, organoïdes ou autre, ou de la modélisation informatique. On va promouvoir ça mais on ne peut pas tout remplacer. Dire ça est un peu extrême et hors-sol par rapport à la réalité scientifique". Quand ils ne peuvent pas remplacer, les scientifiques doivent, toujours selon cette règle des 3 R, réduire le nombre d'animaux et raffiner, c'est-à-dire améliorer leur bien-être avec des calmants, des anti-douleurs et des animaleries en bon état.

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