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Brésil, Russie, Hongrie : ces pays où le football devient un enjeu politique

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction le Brésil, la Russie et la Hongrie, où les gouvernements misent beaucoup sur les compétitions de football à venir.

Article rédigé par Anne Vigna, Florence La Bruyère - Claude Bruillot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Un fan de football prend une photo des installations de l'Euro sur la place des Héros à Budapest, l'un des sites du championnat d'Europe de football, le 10 juin 2021. (FERENC ISZA / AFP)

L'Euro 2021 débute enfin, vendredi 11 juin. Qui succédera au Portugal, sacré en 2016, au sommet de l'Europe ? Tandis que Saint-Pétersbourg, en Russie, et Budapest, en Hongrie, seront villes hôtes de la compétition de football, le Brésil souhaite accueillir la Copa América. Il faut dire que l'organisation des grandes compétitions sportives, et particulièrement footballistiques, est un bon levier de popularité pour les politiques...

Bolsonaro souhaite organiser la Copa, malgré l'opposition des Brésiliens

Au Brésil, le président Jair Bolsonaro utilise beaucoup le football politiquement. Il soutient toutes les équipes, porte tous les maillots. Mais ces gestes sont mal compris par les Brésiliens, pour qui il faut rester fidèle à une seule équipe. Depuis une semaine, il a annoncé l'organisation dans le pays de la Copa América, à la suite du désistement de la Colombie et de l'Argentine.

La décision a été attaquée en justice et c'est la Cour suprême qui doit se prononcer jeudi 10 juin sur sa tenue. Et là encore, le geste est vu comme politique et passe mal parce que le pays est dans une situation sanitaire très préoccupante et que c'est justement ce genre d'événement qu'il faut totalement éviter en ce moment. "C'est totalement inapproprié, estime l'épidémiologiste Guilherme Werneck. Cela va favoriser l'entrée d'éventuels nouveaux variants, parce que les gens se retrouvent au bar, devant les stades, etc. Le gouvernement cherche en réalité à détourner l'attention qui est centrée sur la pandémie et en particulier sur les enquêtes menées par la commission parlementaire."

Détourner l'attention, avec plus de 477 000 morts, cela peut-il fonctionner ? Pour l'instant, cela n'a guère marché. Selon un sondage, les Brésiliens sont opposés à cette Copa à domicile, ils ont été indignés que le président Bolsonaro réponde positivement en à peine en quelques heures à la demande de la Confédération sud-américaine de football. Alors que l'on sait aujourd'hui, grâce à une Commission parlementaire (CPI) qui enquête sur la pandémie de Covid-19, qu'il a mis neuf mois pour répondre à Pfizer... et négativement.

La Russie cherche à briller grâce à l'Euro

En Russie, l'Euro de football est une nouvelle occasion pour le Kremlin de briller sur la scène internationale. Saint-Pétersbourg, la ville de Vladimir Poutine, accueille pas moins de sept matchs, dont un quart de finale le 2 juillet, ainsi que deux des trois rencontres de l'équipe nationale. Même si, en sportif averti, le président russe ne compte guère sur les performances de ses footballeurs en guise de retour sur investissement : son calcul est ailleurs.

Comme les résultats ne sont jamais garantis, surtout en football, domaine dans lequel les Russes ne brillent guère – et ce n'est pas le quart de finale joué par la "Sbornaya" , l'équipe nationale, contre la Croatie dans son Mondial 2018 à domicile qui a changé les choses – Vladimir Poutine a préféré mettre l'accent sur l'accueil des grands évènements sportifs en Russie, afin de démontrer les capacités du pays en terme d'infrastructures et d'organisations. À ce niveau, il faut reconnaître que la Coupe du monde il y a trois ans a été plutôt une réussite. En revanche, les retombées durables sur l'économie d'un tel événement ont été stoppées net par la pandémie. Reste l'usage du soft power par le Kremlin pour convaincre les fédérations les plus puissantes qu'elles auront tout à gagner à confier leurs grands rendez-vous aux russes. Et le président, judoka ou hockeyeur à ses heures, sait recevoir avec les honneurs les dirigeants ou anciennes gloires du monde entier, chaque fois que c'est nécessaire.

Pour autant, la Russie de Vladimir Poutine ne gagne pas à tous les coups sur ce terrain-là, notamment à cause des nombreux scandales de dopage dans le sport russe. C'est l'énorme revers de la médaille russe : depuis les JO d'hiver de Sotchi il y a sept ans, l'image du sport russe est largement salie de par le monde. En voulant organiser et gagner en trichant et en dopant des champions, peu importe les moyens, le Kremlin a fini par perdre l'essentiel, à savoir la confiance minimum qui sert de lien dans le sport. Ainsi, Vladimir Poutine ne verra ni le drapeau, ni les maillots de la Russie aux JO de Tokyo le mois prochain. Même si rien n'est jamais définitif, puisque, à cause de la pandémie et du retrait de Dublin à l'Euro de football, trois des matches qui devaient avoir lieu en Irlande, ont été avantageusement récupérés par... Saint-Pétersbourg

Le stade de Budapest, en Hongrie, plein à craquer pour les matchs de l'Euro

En Hongrie, l'une des villes hôtes de cet Euro 2021, Budapest, est la seule qui va remplir ses stades à 100%. Il n'y a pas de jauge imposée dans le stade Puskas, nommée d'après le célèbre joueur hongrois. Près de 68 000 personnes vont donc se serrer dans les tribunes. Certes, Les spectateurs étrangers devront montrer un test PCR négatif, et les Hongrois devront présenter leur carte d'immunité. Mais il faut savoir que cette carte est délivrée dès la première dose, et que certains ne prennent pas la peine d'aller se faire injecter la deuxième. Ils peuvent donc être porteurs du virus ! Malgré tout, Le gouvernement de Viktor Orban a tenu à remplir les stades. C'est vrai qu'il vaut mieux montrer à la télévision un stade plein à craquer plutôt qu'à moitié vide. Ça ne peut que renforcer l'image de Budapest.

Pour Viktor Orban, le ballon rond, c'est une passion : le Premier ministre a failli devenir footballeur professionnel. Et même après s'être lancé en politique, il a continué à jouer au foot. En 2006, il évoluait encore comme attaquant dans l'équipe de son village, où il a fait construire un stade de 3 000 places, alors qu'il n'y a que 1 500 habitants. Et qui abrite aussi une Académie du foot.

De plus, le premier ministre a fait voter une loi qui exonère d'impôt les entreprises qui sponsorisent le sport. Résultat : les stades se multiplient comme des petits pains. Les opposants d'Orban dénoncent l'opacité de ce dispositif fiscal qui encouragerait la corruption. Et ils disent que le pays n'a pas besoin d'autant de stades. Mais c'est justement cette infrastructure qui a permis à la Hongrie de se porter candidate pour accueillir l'Euro.

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