Crise en Haïti : les États-Unis et le Canada investissent des millions pour la sécurité du pays

La capitale du pays caribéen est en proie à des violences depuis la fin du mois de février. Les États-Unis et le Canada qui entretiennent des relations avec Haïti depuis plus de 100 ans, sont très impliqués dans cette crise. Nos correspondants nous expliquent ces liens.
Article rédigé par franceinfo - Justine Leblond et Loïc Loury
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un homme met le feu à un pneu dans les rues de Port-au-Prince, à Haïti, le 12 mars 2024. (GUERINAULT LOUIS / ANADOLU / AFP)

Depuis le 29 février 2024, des gangs s'en prennent à des sites stratégiques de la capitale d'Haïti, Port-au-Prince, comme le palais présidentiel, des commissariats, des prisons, des hôpitaux. Plus de 160 000 civils ont été déplacés, d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Depuis, des négociations se poursuivent autour de la création d'autorités de transition, suite à la démission du Premier ministre Ariel Henry lundi 11 mars.

Le pays attend la constitution d'un "Conseil présidentiel de transition", dont la création a été actée lors d'une réunion d’urgence en Jamaïque, le jour même de la démission d'Ariel Henry. Une réunion à laquelle participaient des représentants haïtiens, la Communauté des Caraïbes (Caricom), l’ONU et plusieurs pays dont les États-Unis et le Canada. Les deux pays entretiennent des liens depuis très longtemps avec Haïti et viennent d'investir énormément pour rétablir un minimum de stabilité.

États-Unis : 300 millions de dollars débloqués pour l'aide humanitaire et la sécurité

Les États-Unis ont débloqué ces derniers jours 333 millions de dollars. Dont 33 millions sont dédiés à l'aide humanitaire et le reste à une mission internationale destinée à renforcer la sécurité en Haïti, sous l'égide des Nations unies. Cette force doit être dirigée par le Kenya, sa création a été actée par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. L'objectif est de rétablir un semblant de paix, dans un pays largement contrôlé par les gangs et ainsi favoriser la transition politique.

"L'essentiel dans cette histoire, c'est la souffrance du peuple haïtien et il faut que cela cesse", déclare Antony Blinken, le secrétaire d'État américain. "Le pays a besoin d'un système politique plus stable afin de pouvoir fonctionner, et de fonctionner démocratiquement. Il nous faut donc une transition vers des élections, vers une trajectoire plus démocratique. On a besoin d'assistance humanitaire et d'aide au développement, afin que l'économie se redresse et que les Haïtiens puissent avoir des opportunités. Et enfin, c'est fondamental, on a besoin de sécurité", dit-il.

Le Premier ministre, Ariel Henry, réfugié dans le territoire américain de Porto Rico

Washington a annoncé le déploiement de Marines, afin de protéger son ambassade, mais pas plus. Joe Biden exclut d'envoyer des troupes en Haïti. Depuis le retrait catastrophique des Américains d'Afghanistan, il y a aux États-Unis une grande réticence à risquer la vie des soldats américains. Et d'autant plus, sans doute, en Haïti avec qui les relations depuis plus d'un siècle sont particulièrement compliquées.

L'île caribéenne reste marquée par l'occupation américaine entre 1915 et 1934. Et par la suite, elle est marquée par les ingérences répétées de Washington qui considérait Haïti comme un contrepoids anticommuniste à Cuba. Depuis, les États-Unis sont devenus les plus importants donateurs de Port-au-Prince. Mais les accusations d'ingérence ont continué. Un groupe d'opposition demandait en 2022 à Washington de cesser de soutenir le Premier ministre Ariel Henry, aujourd'hui réfugié dans le territoire américain de Porto Rico. Il y est le bienvenu, s'il souhaite y rester, lui a d'ailleurs fait savoir la Maison Blanche.

Canada : 160 000 personnes d'origine haïtienne

Le Canada est très investi dans le suivi de cette crise et "préoccupé par la situation sécuritaire" en Haïti. Contrairement à la France, il n'a pas d'attache coloniale en Haïti. La communauté haïtienne représente plus de 160 000 personnes, d'après le dernier recensement de 2016, et les deux pays entretiennent des liens depuis plus de 100 ans. Des liens qui se sont accentués depuis une quarantaine d'années, explique Stephen Baranyi, professeur titulaire à l'école de développement international et mondialisation à l'Université d'Ottawa, spécialisé sur la question haïtienne.

L'État canadien, l'État fédéral, et la province du Québec aussi ont été très actifs au niveau de la coopération pour le développement et pour la sécurité, depuis les années 60, et surtout depuis les dernières décennies, depuis la tentative de créer une démocratie et apporter un développement équitable à Haïti depuis la fin de la dictature dans les années 80.

180 millions de dollars dédiés à la sécurité entre 2023 et 2024

Ces dernières années, le Canada est particulièrement concentré sur le plan de la coopération en matière de sécurité. En 2023, le Canada a fourni plus de 100 millions de dollars canadiens, rien que pour de l'appui opérationnel de la police nationale haïtienne et pour son relèvement. En 2024, le gouvernement a mis 80 millions de dollars canadiens de plus sur la table pour appuyer et financer une partie de la mission multinationale et continuer l'appui directement à la police nationale. Et ça, c'est en plus de la coopération dans les domaines économiques, sociaux ou humanitaires, qui est encore plus large en termes quantitatifs. Le Canada était aussi présent le 11 mars à la réunion internationale d'urgence organisée par les pays caribéens pour tenter de trouver une solution face à la grave crise politique haïtienne.

Cette semaine en conférence de presse, plusieurs structures réunies au sein de la Concentration haïtienne pour les migrants ont interpellé le gouvernement canadien, elles lui demandent de trouver avec la communauté internationale "des solutions immédiates et durables". Plusieurs membres de la diaspora installée au Canada espèrent surtout que les Haïtiens seront consultés dans les prises de décision.

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