Haïti : quatre questions sur la situation politique du pays après la démission du Premier ministre Ariel Henry

Le chef de gouvernement haïtien quittera le pouvoir une fois qu'un conseil de transition sera mis en place, a annoncé la Communauté des Caraïbes.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre démissionnaire haïtien Ariel Henry, lors d'une visite à Nairobi (Kenya), le 1er mars 2024. (SIMON MAINA / AFP)

Le Premier ministre haïtien Ariel Henry a démissionné lundi 11 mars, a annoncé le président de la Communauté des Caraïbes (Caricom) et président du Guyana Mohamed Irfaan Ali. Port-au-Prince s'enfonce depuis plusieurs semaines dans les violences liées aux gangs qui ont pris le contrôle d'une grande partie de la capitale.

Les pays des Caraïbes s'étaient réunis d'urgence lundi à Kingston (Jamaïque), à l'initiative de la Caricom, avec des représentants de l'ONU et de plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis, afin de trouver une solution en Haïti. Franceinfo fait le point sur la crise politique et sécuritaire qui secoue le pays. 

1Que se passe-t-il en Haïti ?

Port-au-Prince, la capitale, est en proie à des violences depuis la fin du mois de février. Des milices s'en prennent à des sites stratégiques comme le palais présidentiel, des commissariats et des prisons. Dans la capitale haïtienne, les administrations et les écoles sont fermées du fait des violences entre policiers et bandes armées, qui se sont intensifiées lors du week-end du 9 mars. Des hôpitaux ont été pris d'assaut par des milices et des équipes médicales ont dû fuir avec des patients – y compris des nouveau-nés – selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Depuis le 29 février, plus de 160 000 civils ont été déplacés dans la région de Port-au-Prince, d'après l'OIM

Les autorités haïtiennes ont décrété il y a une semaine l'état d'urgence, assorti d'un couvre-feu, dans le département de l'Ouest, qui comprend la capitale, mais elles ne contrôlent pas entièrement ce territoire. Ce couvre-feu a été prolongé lundi jusqu'au 14 mars. Les forces de sécurité haïtiennes ont pu reprendre le contrôle du port de Port-au-Prince après des affrontements avec les gangs durant week-end, a déclaré lundi le directeur de l'Autorité portuaire nationale. La situation sécuritaire a poussé l'Union européenne à évacuer l'ensemble de son personnel de Port-au-Prince lundi, a annoncé la mission sur place. La veille, la mission diplomatique allemande avait pris une décision similaire. Les Etats-Unis ont de leur côté évacué leur personnel diplomatique non essentiel dans la nuit de samedi à dimanche, a fait savoir l'ambassade américaine.

2Pourquoi le Premier ministre a-t-il démissionné ?

Le départ du Premier ministre Ariel Henry était l'un des objectifs principaux des groupes armés. Sans président ni Parlement – le dernier chef d'Etat, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021 – Haïti n'a connu aucune élection depuis 2016. Ariel Henry, accusé par le parquet de Port-au-Prince du meurtre de Jovenel Moïse, aurait dû quitter ses fonctions début février. Le 28 février, il avait accepté de "partager le pouvoir" avec l'opposition, dans le cadre d'un accord prévoyant des élections d'ici à un an. Mais cette concession n'a pas suffi : Jimmy Chérizier, influent chef de gang surnommé "Barbecue", avait menacé mardi 5 mars d'une "guerre civile qui conduira à un génocide" si Ariel Henry restait au pouvoir.

Le chef du gouvernement haïtien, bloqué sur le territoire américain de Porto Rico, a finalement cédé à la pression des partenaires régionaux. Son départ a été annoncé lors d'une réunion d'urgence des membres de la Caricom et de représentants de l'ONU en Jamaïque. "Le gouvernement que je dirige ne peut rester insensible à cette situation. Comme je l'ai toujours dit, aucun sacrifice n'est trop grand pour notre patrie, Haïti", a déclaré Ariel Henry.

3Quelles sont les perspectives ouvertes par cette démission ?

Après l'annonce de la démission d'Ariel Henry, le président du Guyana et de la Caricom, Mohamed Irfaan Ali, s'est dit "heureux" d'annoncer "un accord de gouvernance transitoire ouvrant la voie à une transition pacifique du pouvoir". Ce dénouement doit déboucher selon lui sur "un plan d'action à court terme en matière de sécurité" et "des élections libres et équitables".

Un "conseil présidentiel de transition" sera mis en place, a annoncé Ariel Henry, rapporte le journal haïtien Le Nouvelliste. "Les membres de ce conseil seront choisis après une entente entre les différents secteurs de la vie nationale", a ajouté le Premier ministre démissionnaire.

4Quelle est la réaction de la communauté internationale ?

Lundi, le Conseil de sécurité de l'ONU avait appelé tous les acteurs politiques haïtiens à des "négociations sérieuses" pour "rétablir les institutions démocratiques" du pays. "Les Haïtiens ne peuvent pas attendre plus longtemps un chemin vers la sécurité, la stabilité et la démocratie", a souligné mardi le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, sur X.

"Seul le peuple haïtien peut et doit déterminer son propre avenir, et personne d'autre", a expliqué le chef de la diplomatie américaine après la réunion. Les Etats-Unis et leurs partenaires peuvent toutefois "aider à rétablir la sécurité fondamentale" et à faire face à "l'énorme souffrance" en Haïti, a-t-il ajouté.

Il a annoncé que les Etats-Unis fourniraient 133 millions de dollars supplémentaires (environ 122 millions d'euros) pour résoudre la crise, dont 100 millions à la force multinationale devant être envoyée en Haïti, et 33 millions d'aide humanitaire. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, présent virtuellement lors des discussions, avait offert peu avant quelque 91 millions de dollars (environ 83 millions d'euros).

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