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Assassinat du président haïtien Jovenel Moïse : "Il y a une impasse politique énorme et une dérive mafieuse de l’Etat", estime un spécialiste

Jovenel Moïse a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet, et son épouse est actuellement entre la vie et la mort.

Article rédigé par franceinfo
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Le président haïtien Jovenel Moïse et son épouse Martine Moïse le 12 janvier 2021. (CHANDAN KHANNA / AFP)

Haïti est en plein chaos après l’assassinat de son président Jovenel Moïse, au pouvoir depuis quatre ans. Il a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet, et son épouse est entre la vie et la mort. "Il y a une impasse politique énorme et une dérive mafieuse de l’Etat", estime sur franceinfo mercredi 7 juillet Frédéric Thomas, docteur en science politique, chercheur au Centre tricontinental (CETRI) à Louvain-la-Neuve et spécialiste d'Haïti.

franceinfo : Cet événement plonge Haïti un peu plus encore dans le chaos politique. Ce chaos était-il déjà permanent depuis plusieurs décennies ?

Frédéric Thomas : Oui et cela s’est accentué ces derniers mois, ces deux dernières années, du fait de l'obstination de Jovenel Moïse à se maintenir au pouvoir et de n’avoir répondu à aucune demande de justice, de lutte contre la corruption, de lutte contre les inégalités et la pauvreté. C’est aussi le fruit de choix politiques et d’un soutien de la communauté internationale à ce pouvoir.

Un président très critiqué, très isolé ces derniers mois avec un parlement suspendu. Il ne gouvernait plus que par décrets ...

Oui les élections de 2019 qui devaient renouveler les parlementaires n’ont pas eu lieu. On se retrouvait avec un parlement depuis janvier 2020 avec seulement 10 sénateurs. Un parlement discrédité surtout du fait de la dégradation de la sécurité, le développement de la violence et des gangs armés au cours de ces derniers mois, instrumentalisés par le pouvoir.

Aujourd’hui Haïti, c’est une population extrêmement pauvre et un climat très violent. C'est bien cela ?

Oui c’est aussi un climat de non-accès aux services sociaux de base, l’école, la santé, la justice. Des bandes armées se sont développées sur une grande partie de la capitale Port-au-Prince et des affrontements ont lieu régulièrement, dans la perspective des élections fin septembre. Ces bandes essaient d’asseoir leur contrôle sur un maximum de territoire pour s’assurer le contrôler des votes. La population est exaspérée, elle n’ose plus se déplacer dans la capitale. Il y a une impasse politique énorme et une dérive mafieuse de l’Etat et des institutions publiques qui sont totalement dysfonctionnelles. Ces groupes armés se sont multipliés au cours de ces deux dernières années, comme une réponse à la mobilisation sociale qui exigeait la fin de l’impunité et de la corruption. C’est aussi une stratégie de pourrissement mise en place par l’oligarchie pour se maintenir au pouvoir, assurer le contrôle et constituer un garde-fou par rapport à cette contestation sociale. Il s’agit d’une alliance faite par une partie de la classe politique avec ces gangs armés. Il y a une multiplication des affrontements qui fait que cette violence devient de moins en moins gérable.

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