Éoliennes : en Norvège, l'État déchiré entre militants écologistes et industrie du renouvelable
Greta Thunberg était sur place, des personnalités norvégiennes et des députés s’impliquent et le gouvernement est dans l'embarras. Des éoliennes contestées ont été déclarées illégales par la Cour Suprême il y a plus d’un an – 500 jours – et, depuis, rien ne s’est passé. 151 turbines de 87 mètres de haut qui tournent à plein régime malgré cette décision de justice.
Elles sont situées sur des crêtes de montagne, dans la péninsule de Fosen dans le Trondelag. C’est une zone très exposée au vent des fjords et ces prairies sont utilisées depuis le XVIe siècle par des familles Samis pour faire pâturer leurs rennes en hiver. Et c'est là tout le problème : ces parcs éoliens génèrent beaucoup de bruit. Trop de bruit pour les animaux qui s’agitent, s’éparpillent, ont du mal à brouter sur ces aires de pâturage en partie détruites par la bétonisation et les 130 kilomètres de routes d’accès. Pourtant, la renniculture est au cœur de l’identité des peuples autochtones. C’est leur principale activité économique et le droit de pâturage est protégé par la Constitution.
Non-respect de l'état de droit
Ça fait 20 ans que les contentieux et les recours juridiques s’enchaînent, sans que ça ne mette un coup d’arrêt au développement des éoliennes. Mais, en octobre 2021, l’affaire est arrivée devant la Cour suprême norvégienne qui a tranché : les infrastructures bafouent le droit et la culture des Samis, donc les autorisations d’expropriations et d’exploitation qui avaient été accordées au départ sont invalides. Problème : les juges n'ont rien dit sur ce qu'il fallait faire de ces éoliennes et, donc, rien n'est fait. Est-ce qu’il faut démanteler les éoliennes ou bien les arrêter une partie de l’année ? Comment régénérer des sols, comment dédommager les industriels ?
D’un côté, les militants écologistes et les Samis dénoncent, à raison, un non-respect de l’état de droit, une situation d’illégalité de fait. De l’autre, des industries du renouvelable ont investi 600 millions d’euros – dont, soit dit en passant, l’entreprise publique norvégienne qui est propriétaire de 50% du parc. Elles voient leurs concessions invalidées, deux décennies après le début du projet, engendrant un précédent juridique qui pose problème.
Une enquête lancée au bout de 500 jours
Le gouvernement norvégien, lui, estime que la Norvège est en retard sur l’éolien. Selon eux, il faut accélérer la production d'éolien, et sûrement pas détruire le parc existant comme l'exigent les écologistes et les Samis, pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Après avoir fait l’autruche pendant 500 jours, depuis l'arrêté de la Cour suprême, le gouvernement déclare vouloir trouver un compromis et lance une enquête pour étudier la manière dont les éleveurs de rennes et les éoliennes peuvent cohabiter. Mais cette décision arrive un peu tard et semble être une voie sans issue, tant l'affaire a pris une tournure existentielle pour la démocratie. Au nom d'intérêts économiques et de la transition énergétique, l'État norvégien est-il prêt à bafouer le droit des Samis et ignorer la plus haute instance judiciaire de l'État ?
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