Exploitation et traite des enfants : quelle est la situation en Irak, en Egypte et en Côte d'Ivoire ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction l'Irak, l'Egypte et la Côte d'Ivoire où le travail des enfants est encore un fléau.
Pour la première fois en 20 ans, le travail des enfants a augmenté dans le monde. Un rapport de l'Organisation internationale du travail et de l'Unicef estime qu'au début de l'année 2020, 160 millions d'enfants étaient poussés à travailler, soit 8,4 millions de plus en quatre ans. Focus sur l'Irak, l'Egypte et la Côte d'Ivoire.
De plus en plus d'enfants travaillent en Irak dans des conditions dangereuses
En Irak, le travail des enfants est un problème majeur depuis des décennies, en raison des conflits, des déplacements forcés ou encore des défis économiques. Ce problème semble avoir pris une autre ampleur depuis le début de la pandémie de Covid-19. Il est difficile de le mesurer car il n'y a aucune statistique officielle sur le sujet, mais on le sait : les principales raisons pour lesquelles les familles envoient leurs enfants travailler sont économiques. En l'occurrence, la pauvreté a largement augmenté en Irak pendant la pandémie, donc tous les acteurs engagés dans la lutte contre le travail infantile le disent : il y a de plus en plus d'enfants qui travaillent aujourd'hui en Irak, dans des conditions par ailleurs très difficiles, voire dangereuses, car ces emplois peuvent aller de la vente de mouchoirs en bord de route (sous 50 degrés tout de même) à des activités criminelles, type vente de drogues ou d'armes.
Mais malgré cela, c'est loin d'être une priorité pour le gouvernement. Cela fait des décennies que ce problème existe en Irak. Plus d'un million d'enfants travaillaient déjà avant la crise, dont des enfants de 5 ou 6 ans, mais le gouvernement n'a jamais mis en place une politique de protection de l'enfance. Il n'y a d'ailleurs qu'un seul foyer dans toute l'Irak pour accueillir ces enfants qui seraient exploités. "Je dois les accueillir si la Cour de justice l'ordonne, mais parfois je ne peux même pas leur fournir un lit, un matelas, ou un casier, parce qu'on a ni la place, ni le budget", explique sa directrice. Un foyer totalement débordé donc, et où il n'y a que 65 places officiellement... un chiffre particulièrement dérisoire quand on le compare au nombre d'enfants à aider en Irak.
En Egypte, près d'un enfant sur dix travaille
Environ deux millions d'enfants égyptiens travaillent dans le pays. Un secteur en particulier a recours à cette main d'œuvre : l'agriculture. Plus de la moitié de ces enfants contraints de travailler se trouvent dans les champs. En Haute Égypte plus particulièrement, les foyers qui vivent de la terre comptent parmi les plus pauvres du pays. Dès leur plus jeune âge, les enfants viennent donc en aide à leurs parents. Des tâches physiques, difficiles qui peuvent aussi les exposer à des produits chimiques.
Mais ce fléau ne concerne toutefois pas que l'agriculture. Dans les rues du Caire, la capitale, il est courant de croiser ces vendeurs et vendeuses ambulants âgés de seulement une dizaine d'années. Il y a aussi l'industrie avec notamment le textile. Une filiale emploie en grand nombre des enfants : le coton. Une production historique et autrefois prospère. Avec des marges aujourd'hui de plus en plus maigres, les patrons n'hésitent plus à se tourner vers cette main d'œuvre sous payée.
Est-ce que les autorités tentent de combattre ce fléau ? Une législation existe déjà. Elle fixe l'âge minimum du travail à 15 ans. Pour certains emplois dangereux, cette limite grimpe à 18 ans. Mais cela ne suffit pas puisque l'économie informelle représente une portion majeure des emplois. Du travail non déclaré qui échappe à tout contrôle. Et surtout tant que la situation financière des ménages continuera à se dégrader, compléter les revenus de la famille en faisant travailler un fils ou une fille restera indispensable. Officiellement, un Égyptien sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Bien plus en réalité. Une situation encore aggravée par les restrictions liées à la pandémie de Covid-19. La misère progresse et avec elle le travail des enfants.
La traite des enfants dans les plantations de cacao en Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, le travail des enfants est un phénomène encore très répandu. Ils seraient encore 800 000 à travailler dans les plantations de cacao, dont le pays est le premier producteur mondial, contre 1,2 million il y a quelques années. Le mois dernier, l'État a organisé une opération médiatique contre la traite des enfants. La police ivoirienne a passé deux jours à sillonner la grande zone cacaoyère au sud-ouest du pays. Bilan : 68 enfants recueillis et 22 personnes condamnées à des peines de prison pour traite d'enfants.
C'était la cinquième opération de ce type depuis 2009. Ces deux dernières années, 2 000 enfants ont été retirés des plantations de cacao. C'est important pour l'image du pays : les consommateurs occidentaux sont de plus en plus nombreux à refuser de manger du chocolat issu du travail des enfants. Une fois recueillis, ces enfants sont pris en charge dans des centres qui dépendent du CNS, un organe de la première dame Dominique Ouattara. Les éducateurs convoquent les parents car ce sont eux souvent qui font travailler leurs enfants, ils n'ont pas les moyens de les scolariser. Sur les cinq à six millions d'Ivoiriens qui vivent du cacao, plus de la moitié vivent sous le seuil de pauvreté.
Pour les enfants victimes de traite, ils sont hébergés dans ces centres, ils sont rescolarisés et apprennent un métier : la coiffure, la couture ou encore l'élevage. Mais pour les ONG, ces opérations coup de poing sont trop rares pour être efficaces et il faudrait les étendre à d'autres secteurs comme le commerce ou le travail domestique. D'autant qu'avec la fermeture des écoles l'an dernier en raison du Covid-19, certains enfants ne sont plus retournés à l'école.
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